Auteur des Ogres-Dieux, déjà excellents en la matière, Hubert tissait voilà peu Peau d’Homme : un véritable rayon de soleil en cette noire année, marquée du décès prématuré de ce dernier avant la parution-même. Véritable orpheline-née, cette bande-dessinée concrétise une ultime fois l’immodéré goût de son créateur pour l’Histoire, le fantastique et les thématiques sociétales : un cocktail pas si éloigné de notre réalité contemporaine, bien que l’intrigue prenne place dans l’Italie de la Renaissance.
Sorte de conte exquis, Peau d’Homme brille de mille feux à l’aune de ses racines d’antan et de son vernis universel : sous les traits délicats et la composition somptueuse de Zanzim, les tribulations de la jeune Bianca compose un manifeste captivant, une ode à la liberté, la curiosité et la tolérance sous toutes leurs coutures. Mais être pétri de bonnes intentions n’est jamais un gage absolu de réussite, il faut en convenir : à ce titre, le récit use fort astucieusement de l’objet, puis personnage, qu’est Lorenzo.
Le développement et l’évolution de Bianca sont révélateurs en la matière : tandis qu’elle découvre les usages et loisirs de l’exercice du « travestissement », l’idée est surtout de briser les barrières, préjugés et autres normes en apparence immuables de la morale… elle qui est pourtant définie par des Hommes fondamentalement faillibles. À l’image d’un Giovanni se dévoilant peu à peu pour le meilleur, ou le zèle hypocrite d’Angelo, Peau d’Homme traite avec grande intelligence du choc des conventions, passions et frustrations : sous couvert de séquences pourtant enjolivées, douées d’une douce folie, le propos est bel et bien sérieux.
Sachant être aussi bien drôle qu’attendrissant et, malheureusement, révoltant, Peau d’Homme dresse un portrait au vitriol de la nature humaine, elle qui se bride paradoxalement dans sa quête biaisée du bonheur : difficile alors de lui tenir rigueur de son édulcoration d’une sombre réalité, l’accent étant mis sur l’accomplissement sexuel et (plus globalement) personnel d’une Bianca déteignant sur ses proches et, chemin faisant, sa cité-même.
Sans jamais céder à la facilité, résistant aux appels du pied d’un manichéisme pourtant commode, cette bande-dessinée est une invitation à la réflexion et l’évasion, celles qui font bouillonner l’esprit… qui ne manquera pas de jubiler au terme d’un dénouement empreint d’un espoir intarissable. Un indispensable en somme !
Nul doute que le souvenir de Hubert perdurera à travers son œuvre.