Un dessin rond, trait enfantin et aplats de noir sur pages blanches, une quasi absence de perspective, des décors dépouillés. La patte visuelle de Marjane Satrapi ne fourmille pas de détails inutiles, quoiqu'elle prenne le temps de dépeindre avec acuité l'univers de son héroïne - elle même puisqu'il s'agit d'une autobiographie - traversant la révolution iranienne, la guerre, l'exil en Europe, le retour au pays sous un joug islamique oppressant.
Si les quatre tomes valent la lecture (tous se lisent très facilement), c'est le premier qui garde ma préférence. Marjane Satrapi parvient avec une fausse candeur à renouer avec sa vision de gamine nourrie de lectures politiques diverses et d'une foi en Dieu inébranlable, observant son pays changer, jamais avare de remarques et questions acérées d'innocence. Les portraits de sa famille sont incroyablement touchants - au pinacle l'oncle Anouche - tout comme ces amis, voisins, connaissances, tous atteints par les bouleversements en cours.
Avec Persepolis, on suit la construction d'une jeune fille jusqu'à l'âge adulte, sa condition d'iranienne, de femme - qui toujours reviendra à la culture et au savoir quand ses certitudes vacilleront. En cela, le personnage est magnifique d'ouverture et de révolte, pourtant rongée par le doute et la mélancolie, parfois les petites lâchetés honteuses...
Persepolis peut certes être lu comme un témoignage sur l'Iran, sur la condition de la femme, mais tout cela n'est finalement qu'un (riche) cadre propice au portrait intime d'une femme et de sa famille passionnant de simplicité.