Deux mois en Corée du Nord, c'est la tranche de vie que Guy Delisle a reproduite dans « Pyongyang ». Un voyage dans le paradis anticapitaliste, au cœur du pays de tous les paradoxes ; dans ses autres BD de voyage, Guy Delisle avait surtout dénoncé l'injustice, mais ici c'est simplement absurde. Un hôtel titanesque pour un pays sans touristes, une lampe éternelle dans une ville à court d'électricité, et une autoroute nettoyée par des ménagères avec un balai.
Dans le dessin, Guy Delisle étale l'absurde en pleine page. Mais on trouve aussi des vignettes courtes, presque comme des sketches, bourrées d'humour plus ou moins grinçant. C'est une BD redoutablement efficace, très bien ficelée, et qui a su tirer parti de sa construction en forme de journal.
Mais l'absurde n'obstrue pas tout, il reste de la place pour la colère. Malgré sa réputation de bunker, le pays le plus fermé au monde devient peu à peu un nouvel eldorado pour les délocalisations : les firmes chinoises, bien sûr, mais de plus en plus d'entreprises américaines ou européennes. Si Guy Delisle intègre un studio d'animation à Pyongyang, c'est parce que TF1 y sous-traite une partie de ses dessins animés pour enfants.
Finalement, c'est bien cela le cœur du bouquin : en Corée du Nord, avec suffisamment de dollars, tout est permis.
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