Ce tome fait suite à Saga, tome 6 (épisodes 31 à 36) qu'il faut avoir lu avant. Il comprend les épisodes 37 à 42, initialement parus en 2016, écrits par Brian K. Vaughan, dessinés, encrés et mis en couleurs par Fiona Staples.


Hazel dort paisiblement dans son lit, avec Konk Ponk, sa poupée de chiffon dans les mains. Son père Marko est en train de la regarder dormir, fasciné par son ronflement, par son petit filet de bave. Alana lui fait remarquer qu'il va falloir qu'ils lui disent qu'elle est de nouveau enceinte. Marko suggère d'attendre un peu : la grossesse est un processus délicat, surtout entre deux races différentes comme eux. Alana se demande si l'idée d'incompatibilité entre leurs races n'a pas été inventée de toutes pièces pour des raisons politiques. Soudain, l'éclairage à l'intérieur du vaisseau change, et ils se demandent ce qui provoque cette variation. Dans sa cabine, Prince Robot IV est en train de se masturber : il pense à sa femme, Comtesse Robot X puis à The Stalk avec sa blessure béante entre les deux seins, à un rapport entre Doff et Upsher, et enfin à une jolie femme aux courbes harmonieuses, à la chute de rein parfaite… Il se rend compte avec une surprise certaine qu'il est en train de fantasmer sur Alana. Il se demande ce qui ne va pas dans sa tête. Dans un jardin du vaisseau, Petrichor est en train de travailler sur un métier à tisser et Izabel (la baby-sitter de Hazel) lui demande ce qu'elle confectionne. Les deux femmes discutent de Hazel, de savoir si sa grand-mère et les enfants du centre lui manque, de savoir si Hazel a gardé le secret sur la nature de Petrichor, ce qu'Izabel relativise, en lui faisant observer qu'il lui manque la partie inférieure de son corps. Elles finissent par se rendre compte qu'elles apprécient le même groupe de musique : Pyrosis. Elles sont interrompues par le changement de lumière dans le vaisseau et par l'irruption de Hazel.


Il ne faut pas longtemps à Alana pour diagnostiquer la panne : une des artères diffusant le carburant présente une fuite, ce qui a également pour conséquence que leurs réserves de carburant vont vite être épuisées. En analysant les points de chute potentiels, ils n'ont qu'une seule option : Phang, une comète atteignable avec l'autonomie qui leur reste. Ils tirent tous une mine de cent pieds de long : Phang est une comète abritant des milliers de tribus et de races différentes, en guerre les unes contre les autres depuis des générations. Bien évidemment, il n'a pas fallu longtemps pour que les Ailes et les Cornes prennent parti pour certains contre les autres. Du coup, en plus de la guerre indigène, s'est ajoutée la guerre entre Landfall et Wreath, encore avivée par le fait que le sous-sol de Phang recèle d'immenses gisements de la matière servant de carburant. Sur la planète Wreath, Gwendolyn et Sophie engagent la conversation sur l'avenir de la seconde, en présence de Lying Cat. Gwendolyn a vite fait de demander à ce dernier d'aller voir ailleurs pour pouvoir parler sérieusement avec Sophie : celle-ci demande à Gwendolyn de l'entraîner pour devenir une chasseuse de primes professionnelle.


Exactement la suite du tome précédent et plus des mêmes choses. La page 4 du premier épisode est composée de 3 cases de la hauteur de la page. La deuxième case montre un sexe masculin turgescent et la troisième Prince Robot IV en train de se masturber, allongé sur son lit complètement nu et montré de face. Le lecteur a maintenant bien pris le rythme : au moins une scène de sexe, dépourvue de toute hypocrisie dans chaque tome. Il y en a une deuxième avec des images non explicites dans le dernier épisode. Il ne s'agit pas d'inclure une séquence pour titiller le jeune lecteur adolescent : il s'agit pour les auteurs de rappeler que l'activité sexuelle constitue une part importante (en termes d'implication émotionnelle et en termes émotionnels) pour une partie des êtres vivants. Staples et Vaughan ne s'en excusent pas et ne font pas semblant : pas d'ombre venant chastement masquer la nudité, pas de représentation romantique ou sportive de l'acte, juste une inclusion honnête de cette composante de la vie. Le lecteur peut sourire ou être choqué par les images avec lesquelles Prince Robot IV s'excite, et qui apparaissent sur l'écran qui lui sert de tête. Il peut aussi s'interroger sur sa propre réaction à ces images, se demander ce que ça lui dit de sa propre sexualité, de son rapport au plaisir solitaire.


Mais ce chapitre ne commence pas par une scène de sexe : il commence par une enfant paisiblement endormie, son commentaire (formulé des années plus tard) sur le développement d'une famille, le regard aimant et attendri des parents : c’est-à-dire la composante comédie de situation de la série. Comme dans les tomes précédents, le lecteur peut s'amuser à faire un catalogue des moments famille : l'enfant qui dort, les parents qui doivent lui annoncer l'arrivée d'une petite sœur ou d'un petit frère, la séparation d'avec les copains quand les parents déménagent, les nouveaux copains qu'on se fait facilement et les amis pour la vie (avec Kurti), l'angoisse générée par la disparition inexpliquée d'une proche, papa en train de faire la vaisselle, les discussions et les jeux avec les copains, le père d'adoption qui revient après une longue absence, la mère d'adoption qui s'oppose aux envies de formation métier, etc. Tout comme dans les chapitres précédents, les illustrations de Fiona Staples apportent une vision personnelle à ces éléments, faisant ressortir leurs particularités devenues insipides à force d'être assaisonnées à toutes les sauces par des auteurs moins doués. Par exemple, voir Marko faire la vaisselle est un bien étrange spectacle, aussi familier qu'exotique. Il est bien devant un évier classique, avec une assiette classique à la main et une éponge pour frotter, sans oublier son tablier. Mais cet équipement se trouve dans une pièce avec des plantes qui rappellent qu'il s'agit d'un vaisseau spatial arboricole, le papa a des cornes de bélier sur le front, les personnes derrière lui en train d'éplucher des patates ont une apparence encore plus extraterrestre.


Les relations émotionnelles ne se limitent pas à celles de la famille, et là encore les auteurs utilisent les ficelles habituelles des romans d'amour. Par exemple, Prince Robot IV en pince pour Alana, la conjointe de Marko dans une relation monogame. À nouveau les visuels marient les codes traditionnels de l'histoire d'amour, avec l'exotisme rendu possible par la science-fiction pour un amalgame unique. Avec pour tout habit un pantalon, Prince Robot IV s'introduit dans la chambre d'Alana alors qu'elle regarde son ventre arrondi dans le miroir, dans une pièce avec un tapis de mousse en guise de moquette, et des branches d'arbres poussant des parois en bois. À l'opposé d'un méli-mélo indigeste, ces éléments hétéroclites forment un tout d'une grande cohérence : le lecteur est saisi par l'ambiance malsaine de la situation. Il espère de tout cœur qu'Alana parviendra à faire entendre raison à son agresseur potentiel, tout en éprouvant une empathie irrépressible pour ce dernier, une extraordinaire réussite narrative, portée par les images. Cette série n'a rien d'une sitcom fauchée produite au kilomètre et à l'économie. Elle est à la fois une comédie dramatique d'une grande sensibilité et d'une grande justesse, et une histoire de science-fiction au premier degré. Même un lecteur adulte endurci sourit devant la tendresse naturelle du premier baiser de Hazel.


Au cours du précédent tome, le lecteur s'était rendu compte que l'intrigue lui importait beaucoup moins que les interactions entre les personnages, au point d'en devenir secondaire. C'est encore le cas dans celui-ci, où la mort d'un personnage de premier plan importe plus pour la tristesse de voir ainsi disparaître un individu auquel on s'était attaché, et pour les conséquences pour ses proches, que pour l'impact sur le déroulement des événements, même s'il s'agit du risque de la destruction d'une planète. Le lecteur ne peut pas faire autrement que de remarquer que le scénariste a fait fort opportunément atterrir le vaisseau d'Alana et Marko sur une planète en guerre, pour que les personnages soient confrontés à a vie quotidienne des civils en temps de conflit. Pour faire bonne mesure, Fiona Staples en rajoute encore une couche car il s'agit d'une race trop mignonne, des suricates anthropomorphes. D'une manière générale, l'artiste conçoit des apparences de personnages avec un don très sûr pour les rendre uniques. Le lecteur est certain de ne jamais oublier celle de The March. Pourtant il sent bien que ces péripéties ne se limitent pas à un artifice narratif bien pratique, pour générer à la fois des séquences d'action et des séquences tire-larmes. Il se rend compte que cet arrêt pour faire le plein de carburant montre une autre facette de la guerre que se livrent Wreath et Landfall sur d'autres planètes que les leurs, constituant ainsi un commentaire dramatique sur les civils des populations plongées dans un conflit où elles sont instrumentalisées. En refermant ce tome, le lecteur sait que la dernière mort le hantera longtemps.


Encore un chapitre de plus dans cette comédie dramatique parée des atours de la science-fiction de type Opéra de l'Espace. Le lecteur a bien conscience de la recette, des particularités qui donnent à la série cette apparence et cette saveur unique. Pourtant, il retombe vite sous le charme de la narration visuelle de Fiona Staples, et sous le charme des personnages si attachants, quelles que soient leurs convictions, leur allégeance, leur comportement plus ou moins admirable, plus ou moins idiot, plus ou moins détestable.

Presence
10
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le 4 sept. 2020

Critique lue 72 fois

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