Quand on relit la série Spirou et Fantasio, on est bluffé par les progrès de Franquin en à peine quelques années. Il pose tous les jalons majeurs de l’univers du petit groom en deux albums seulement : 1950 a vu l’arrivée de Champignac et de son Comte, 1951 sera l’année du Marsupilami et de Zantafio, l’ignoble cousin de Fantasio.
Comme pour Il y a un sorcier à Champignac, publié un an plus tôt, Franquin choisit une histoire en trois épisodes distincts pour remplir les 61 planches que doit compter la BD. C’est d’ailleurs le seul véritable reproche qu’on peut faire à cet album : les rustines un peu grossières qui relient les trois aventures (les inventions, la course automobile, la Palombie). Plus un léger manque d’inspiration au milieu de l’album, lorsque Spip mord deux fois de suite Zantafio.
Ces broutilles mises à part ... c’est du tout bon ! Franquin introduit un univers joyeusement délirant, et ajoute à la série des pierres angulaires pleines de charme : le Fantacoptère, le Marsupilami, Zantafio, la Palombie, la firme Turbot ... voilà une mine d’inspiration pour les différents dessinateurs de Spirou des cinquante prochaines années ! Sans oublier une autodérision assez ravageuse, comme dans ce dialogue entre Fantasio et Spirou :
« F — Du café ! Du café très fort ! Voilà ce qu’il faut pour que les idées jaillissent ! Je tiens la recette d’un dessinateur ...
S — Je sais de qui tu parles ... on l’a interné la semaine dernière. »
Côté dessins, comme pour le reste, Franquin a acquis une maturité impressionnante en quelques années : un trait assuré, des visages expressifs et modernes, des décors plutôt riches, et des perspectives bien travaillées notamment pour les acrobaties aériennes du Fantacoptère, ou bien durant la course automobile. On aurait beau chercher la petite bête (peut-être le marsupilami un peu trop rigide), sinon c’est à peu près irréprochable.
Petit bémol final : le revirement moral de Zantafio dans la jungle palombienne. Si on ne savait pas que Franquin le réexploite quelques années plus tard pour en faire un dictateur d’opérette, on serait déçu ... heureusement, d’ici cinq ans, la Palombie sera devenue un régime Zantafiste joyeusement granguignolesque !
Bref, un album fondateur ... un de plus !