Ce tome fait suite à EAST OF WEST - Tome 4 (épisodes 16 à 19, hors-série The World) qu'il faut avoir lu avant. Il faut avoir commencé par le premier tome pour pouvoir suivre l'intrigue. Il regroupe les épisodes 20 à 24, initialement parus en 2015, écrits par Jonathan Hickman, dessinés et encrés par Nick Dragotta, avec une mise en couleurs réalisées par Frank Martin.


Dans la Tour Blanche, avec son aide personnelle Doma Lux, Antonia LeVay, la présidente de l'Union, fait le bilan des diplomates qu'elle a envoyés auprès des dirigeants de la Nation sans Fin. Il n'en est revenu que leur tête dans une boîte, sauf pour le dernier où la boîte semble contenir des morceaux variés de l'ambassadeur Merritt, dont un torse ou un postérieur, difficile à dire. Lux ironise sur le fait que le message semble clair. LeVay se dit qu'il faudrait qu'elle envoie quelqu'un de confiance et de haut placé dans son entourage. Doma Lux finit par comprendre qu'elle parle d'elle. Il y a quelques années de cela dans la cour de Mao, un instructeur explique à plusieurs centaines de jeunes femmes en tunique orange, assises en tailleur qu'elles étaient le rebut de la nation, mais que son enseignement et ses leçons vont les sauver, vont faire d'elles des faiseuses de veuve. Au temps présent, une petite navette arrive au siège du pouvoir de la Nation sans Fin, situé dans un cratère avec un lac, et des installations creusées à même la falaise. Deux envoyés reviennent de la capitale de la République Populaire d'Amérique, avec un traité de conclu, au prix de concessions minimes par rapport aux termes qui avaient été préparés : la présence de deux émissaires revenus avec le shaman ayant négocié.


Le chef de la Nation sans Fin comprend qu'il doit s'accommoder des deux émissaires qui se trouvent avec lui dans la grande salle. Sur son injonction, son conseiller lui dit que c'est une chance de disposer de la connaissance de qui est un allié. Chef acquiesce et leur propose de voir le contraste du contraire par eux-mêmes. Il écrase le mégot de sa cigarette et se lève : un autre petit vaisseau approche, visible par la fenêtre. Le vaisseau se pose, et Doma Lux en sort, tenant un coffret dans les mains, avec un garde de part et d'autre, en arrière. Deux sphères flottantes approchent : elles émettent un fin rayon lumineux qui décapite les gardes. Lux accuse le coup, mais continue d'avancer vers Chef, en baissant la tête. Chef s'adresse à elle : l'Union a envoyé un nouvel ambassadeur, alors qu'eux les renvoient systématiquement morts, mais visiblement le message implicite n'est pas perçu. Il veut savoir pourquoi. Lux explique que la présidente LeVay est convaincue qu'en continuant d'envoyer des émissaires, un dialogue finira par s'initier. En réponse à une question, elle continue : la présidente va organiser un nouveau sommet des nations, et elle souhaite que la Nation sans Fin y participe. Chef répond que lui souhaite la guerre et il donne l'ordre à deux gardes en armure de laisser Lux en état de répéter son message à la présidente, pas plus.


Le scénariste a construit son récit comme un roman de grande ampleur, avec une distribution significative, mais pas hors de contrôle. Du coup, le lecteur ne sait jamais quel personnage ou quel fil narratif il va retrouver en commençant un nouveau tome. Il commence avec la présidente de l'Union, avec sa confidente Doma Lux, puis passe à Narsimah le chef de la Nation sans Fin, puis Xiaolian de la République Populaire d'Amérique, John Freeman VII du Royaume de la Nouvelle Orléans, et enfin les cavaliers de l'Apocalypse Famine, Guerre et Conquête d'un Côté, Mort avec Crow et Wolf de l'autre. Premier constat : chaque personnage présente une identité visuelle très forte qui permet au lecteur non seulement de les identifier du premier coup d'œil, mais aussi de se souvenir de ses actions car leur singularité lui a permis de fixer ses souvenirs sur leur image. Il se souvient des différentes nations en place, leur meneur, leur motivation propre, et leur degré d'honnêteté ou de traîtrise, les jeux de pouvoir, de diplomatie, de guerre ouverte. Le lecteur sourit devant l'expressivité de Doma Lux dont la jeunesse contraste avec l'âge de LeVay. Il voit la fermeté et la dureté de Narshimah, avec son corps sec et nerveux. Il a du mal à croire que Xiaolian se livre à combat pour défendre sa vie, nue pendant tout l'épisode, sans aucune sensation d'érotisme. Freeman est étonnant d'absence de franchise, de manipulation sournoise. Les moustaches d'Archibald Chamberlain sont toujours aussi belles, ainsi que celles de Bel Solomon et celles du ranger Hurk.


En revanche, le lecteur note que Babylone et Ballon sont absents de ce tome. Il assimile chaque épisode à un chapitre rondement mené permettant au scénariste de faire avancer son intrigue sur plusieurs fronts en alternance, avec des points de jonction entre ces différents fils, ce qui tisse une toile un peu lâche dans la forme, mais très rigoureuse dans le schéma global. Dans le même temps, en prenant un épisode comme une unité, il le construit de sorte à respecter l'exigence implicite qui veut qu'il y ait une scène d'action par numéro, une certitude de capter l'attention du lecteur et de lui proposer du spectaculaire. À ce titre, l'épisode 22 raconte une tentative d'assassinat sur la personne de Xiaolian, en 20 pages muettes, sans aucune cellule de texte, aucun dialogue, aucun mot. Cette cheffe d'état, combattante de premier plan, est en train de prendre son bain dans son bassin privatif, nue, sans aucune arme. La narration visuelle ne se montre pas hypocrite, sans passer dans un registre érotique ou voyeur pour autant, et le lecteur assiste à un combat rapide vif et terrifiant, grâce à un plan de prise de vue au montage sec et nerveux, et des dessins montrant une athlète aux compétences de guerrière tueuse d'une terrible efficacité. Du grand art de bout en bout, où il n'y a que les dessins pour raconter l'histoire.


Dans les autres épisodes, le lecteur s'arrête également régulièrement pour savourer une situation ou une action visuellement remarquables. Le dessin en pleine page dans lequel la masse énorme d'un garde en armure s'approche de la frêle silhouette de Doma Lux, suivie par une page comportant 13 cases dans laquelle elle encaisse les coups. Narsimah chevauchant une sorte de glisseur en forme de gros canon qui se transforme ensuite en une sorte de monture à quatre pattes, assez haute, toujours avec un gros canon. Un dessin en pleine page composé d'un gros plan sur le visage d'Archibald Chambelain, calme en apparence, mais avec un regard assez contrarié en apprenant l'échec d'une tentative d'exécution. Un loup blanc qui s'approche de Freeman encore adolescent, ce dernier bondissant sur la bête sauvage pour se battre avec elle. Les élus recevant chacun un rouleau de parchemin contenant un nouveau fragment du Message. Le ranger Hurk insérant une nouvelle cartouche dans son fusil à la lueur d'un feu de camp. C'est une évidence que Nick Dragotta sait rendre ses planches intéressantes, et même captivantes, avec un art consommé de la dramatisation, et de la mise en valeur de l'ambiguïté et de la dangerosité de chaque personnage. Il est tout aussi évident que le scénariste pense son récit en terme visuel pour que le dessinateur puisse donner la pleine mesure de son talent.


Dans le tome précédent, Hickman montre que les bonnes volontés ne suffiront pas à éviter un conflit armé de grande ampleur entre les nations. Au cours de ces épisodes, les uns et les autres continuent leurs préparatifs, chacun avec sa méthode de prédilection. La République Populaire d'Amérique est à la fois sûre de sa puissance militaire, et à la fois sûre de devoir s'allier avec une autre nation car incapable de résister à un assaut coordonné de l'ensemble des autres nations. De l'autre côté, le président de la Confédération sait qu'il vaut mieux qu'il ruse par traîtrise par le biais d'un assassinat clandestin pour déstabiliser son principal opposant. Le Royaume de la Nouvelle Orléans joue le jeu des alliances officieuses, mais il est également évident que John Freeman VII a des ambitions personnelles pour accéder au pouvoir et que ce climat de guerre à venir lui permet de jouer à un trafic d'influences contre l'intérêt du roi de son propre Royaume, et peut-être de son peuple. Le lecteur est tout entier dans ce jeu de pouvoir, quand le dernier épisode le met face à Orion et à Buer, des aspects occultes et surnaturels du récit, menant à une séquence avec trois cavaliers de l'apocalypse, puis à une autre avec Mort. Le lecteur se rappelle alors qu'il est dans un récit avec plus de dimensions qu'un conflit généralisé entre sept nations, mais aussi dans un récit de science-fiction, et encore dans un récit surnaturel où les cavaliers de l'Apocalypse sont des individus incarnés, réincarnés même dotés de leur volonté propre. À l'évidence, ce fil narratif va venir aggraver la situation de manière encore plus dramatique.


Qui veut la paix prépare la guerre : peut-être, mais là trop de faction veulent la guerre, pour des raisons différentes, et suivant des modalités qui leur sont favorables. Le lecteur est complètement immergé dans le récit, sous le charme des personnages à la forte personnalité visuelle, dans des décors surprenants, avec des séquences spectaculaires et imaginatives, et une tension ne cessant d'augmenter vers un conflit inéluctable dont personne ne semble pouvoir sortir vainqueur.

Presence
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 24 avr. 2022

Critique lue 8 fois

Presence

Écrit par

Critique lue 8 fois

D'autres avis sur Vos ennemis sont partout - East of West, tome 5

Du même critique

La Nuit
Presence
9

Viscéral, expérience de lecture totale

Il s'agit d'une histoire complète en 1 tome, initialement publiée en 1976, après une sérialisation dans le mensuel Rock & Folk. Elle a été entièrement réalisée par Philippe Druillet, scénario,...

le 9 févr. 2019

10 j'aime