Vu 120 Battements par minute (BPM), que j’ai beaucoup aimé – comme quoi, Cannes 2017 n’était pas si faible que ça entre the Square, le Jour d’après et ce film-ci.
Ce qui frappe immédiatement dans le film, c’est la justesse des situations et des dialogues. Je n’y étais pas mais tout semble vrai, sans lourdeur didactique, sans pénible reconstitution. Le scénario est vraiment fort car en même temps, à la fin de la séance, on a l’impression d’avoir appris plein de choses, de connaître Act-up,son fonctionnement et ses membres. La plus éclatante réussite de 120 BPM est d’ailleurs parvenir à faire un film de groupe où tous ses membres existent, où la notion même de personnage secondaire est remise en question. Certes, on voit un peu plus Sean et Nathan, mais ce couple n’écrase pas le reste du groupe, il n’est pas plus important qu’eux. Ce n’est pas un mince succès, on imagine quel miracle d’écriture mais aussi d’homogénéité de la qualité de l’interprétation cela requiert.
Autre force du film, l’équilibre obtenu entre l’aspect documentaire, presque pédagogique, et le versant plus sentimental, plus passionnel. Ce qui marque là encore, c’est la générosité du film. Générosité des situations, des problématiques auxquelles a dû faire Act-up. Mais aussi générosité des récits – voire la très belle scène où Nathan raconte sa découverte du sida et la peur du sexe qui en a découlé. C’est ce qu’on appelle un film riche, plein, profus. Prodigue mais tenu, sans afféteries (sauf l’effet spécial pour figurer le virus, pas très heureux) et sans débordement mièvre ou obscène. Ce n’est pas Philadelphia, donc quand on filme des morts, c’est digne car précis et brut, presque sec. Ca pue la mort, mais ça respire aussi la vie, tout en évitant le ridicule de cette phrase même : à peine a-t-on rhabillé son amant décédé, qu’on imagine déjà qu’on va pouvoir baiser un autre mec. Pas d’indécence, simple évidence.
Enfin, le film est me semble être d’une grande intelligence politique. Ou plutôt, il nous convainc tout à fait de l’intelligence d’Act-up : les débats et les dissensions sont montrés, dans leur aspect le plus vif, et nous paraissent chaque fois pertinents. J’aime beaucoup que 120 BPM commence par une action d’Act-up discutable. Manière de rappeler qu’on n’est pas là pour lénifier le propos, pour être consensuel. Dès le début, ça discute, on n’est pas forcément d’accord et en tant que spectateur on n’est pas obligés de choisir un camp plutôt que l’autre.
Bref, grand film politique, grand film d'amour, grand film tout court.