Paradise lost.
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le 23 févr. 2013
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A écouter en lisant la critique : Light and Shadow (Vangelis)
Conquest of the Paradise avait tout pour être un grand film : un réalisateur renommé à sa tête, un casting mené par le grand Depardieu et les talents du compositeur Vangelis. Pourtant, le visionnage du film est gâché par des défauts dont il est difficile de faire abstraction.
Le scénario est assez hasardeux dans son déroulé, s’attardant sur des détails sans importance et éludant des passages dont on aurait souhaité en savoir plus ; non pas qu’il devienne inintéressant mais il est difficile de suivre la marche du film. De plus, Ridley Scott ne parvient jamais à créer la moindre tension dans des scènes clés qui en aurait besoin pour qu’on se plonge pleinement dans l’aventure. Ceci n’est pas aidé par une direction d’acteur qui laisse franchement à désirer avec un Depardieu peu convaincant, du moins au début, et on a vraiment du mal à y croire à la vue de ce prétendu italien émigré en Espagne débitant en anglais des dialogues insipides avec un accent français (Depardieu se rattrapera vers la fin en donnant à son jeu le ton mélancolique correspondant mieux à ce Christophe Colomb et surtout en arrêtant de parler).
C’est là un souci récurrent de ce cher Ridley Scott : il a toujours tendance à en dire trop ou trop peu, selon le point de vue que l’on adopte ; ce qui donne inévitablement à ces films un goût d’inachevé qui lui fait multiplier les « director’s cut » (ou pas d’ailleurs, comme Exodus son dernier film qui devait durer 5h et fut raccourci de moitié, et qui, selon moi, en mériterait une, mais ceci est une tout autre histoire).
Cependant, en dépit de cette façade peu avenante, il se dégage du film un réel discours qui a tendance à faire écho à d’autres long-métrages de son réalisateur, je veux bien entendu parler du "Paradis terrestre", et ce n’est pas un hasard si le titre du film est Conquest of the Paradise et non Conquest of the West Indies. Cette ambition de vouloir faire vivre les hommes en harmonie, entre eux et avec la Nature, cet incoercible désir de recréer le paradis sur Terre, sont partagés et défendus par plusieurs personnages chez Ridley Scott, volontiers une figure historique : Moïse dans Exodus, Balian dans Kingdom of Heaven et ici Christophe Colomb lui-même (Scott projette-t-il dans ses personnages un de ses idéaux ?). Ainsi, si la validité historique de la représentation est faussée – et je ne suis pas assez érudit sur le sujet, mais il est sûr qu’il demeure bien des zones d’ombres au sujet du personnage –, la manière dont Colomb est présenté fait sens dans 1492 et il se fait porte-parole de cet idéal. Même si cela se soldera par un échec pour le personnage, on comprend sa motivation et sa volonté de créer une autre société (une société sans classe peut-être, comme le suggère la décision de mettre au travail les nobles, ce qui lui sera par la suite reproché et conduira à sa disgrâce). Représentation historiquement infidèle certainement, mais qui révèle un certain discours en filigrane.
Finalement, on pourra dire que si 1492 : Conquest of Paradise souffre de ses multiples défauts, le visionnage n’en est pourtant pas rébarbatif, et c’est déjà une bonne chose au vu des 2h30 : il restera les belles images d'une riche reconstitution servie par une photographie impeccable, de quelques ralentis bien amenés et des scènes de bataille préfigurant déjà le « style Gladiator », l’ensemble accompagné par la musique magistrale de Vangelis et ses chœurs inoubliables. Au moins, il aura essayé.
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le 29 janv. 2016
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