« 20 000 Lieues sous les mers » est un film culte des studios Disney. Je me souviens de l’avoir vue quand je n’étais qu’un enfant, et au-delà du fait que je m’impatientais devant cette relique des temps jadis, je fus très impressionné. Aujourd’hui que je le revois, je comprends d'où me venait le souvenir de ce sous-marin obscur attaquant les navires, et je réalise l’impact qu’il a eu sur mon subconscient et sur mon imaginaire, car cela m’avait énormément effrayé. Oui, le Nautilus m’avait beaucoup plus effrayé que le calamar géant, à cause de ses lumières vertes ténébreuses et de ses attaques sournoises.
Avec mon regard d’adulte, je comprends mieux désormais le propos du film, et je suis très satisfait de constater que l’œuvre se démarque de la complaisance et des schémas convenus dont souffre le cinéma fantastique actuelle. Aujourd’hui, si le studio réalisait un remake, sans aucun doute le Capitaine Nemo reviendrait à la raison et libérerait de lui-même ses otages, comme pour un mea-culpa grandiose et un super happy end. Mais dans le film de 1954 (tout comme dans le livre, je l’imagine, car je ne l’ai jamais lu), le capitaine Nemo veut entrainer le submersible et tout son équipage dans sa chute (un choix très cruel), afin de préserver le secret de son génie. C’est là, tout l’intérêt de ce dénouement, car cela fait de Nemo un personnage tout à fait extraordinaire, qui ne recule devant rien, car foncièrement dépourvu d’empathie. On comprend alors que c’est un vrai bon grand génie du mal, à sa façon.
Au-delà du schéma général de l’œuvre, j’ai aussi était interpellé par les effets spéciaux, notamment ceux qui donne vie au calamar géant et je me suis dit que c’était tout à fait honorable (pour l’époque et même pour aujourd’hui). Car il y a quelque chose de plus vivant dans ces marionnettes que dans le rendu froid des images de synthèses d’aujourd’hui. En cela l’œuvre demeure ancrée dans son temps, mais semble proposer ce qui se faisait de mieux en la matière.
Ce qui a le plus vieilli dans cette œuvre ce ne sont pas les effets spéciaux, mais les acteurs et leurs voix françaises, nasillardes, insupportables. Outre le fait qu’il ressemble quelque peu à feu Walt Disney, Paul Lukas (Professeur Pierre Aronnax) est l’acteur qui affiche le meilleur bilan dans cet exercice. Il est sobre et juste, contrairement au reste du casting. Kirk Douglas (Ned Land) est tout simplement énervant dans son rôle du blond parfait, Peter Lorre (Conseil) parait toujours perdu au milieu de la masse, comme un stagiaire ridicule. Enfin, James Mason (le célèbre capitaine Nemo) est une caricature grossière de son personnage, trop solennel, top sérieux, trop écorché, trop froid et distant, trop de tout cela en fin de compte pour le rendre naturel et convaincant.
J’ai également noté quelques scènes qui auraient du mal à passer aujourd’hui, et devant lesquelles je me suis sentie très mal à l’aise : à l’exemple de celle où les hommes dans leurs tenues submersibles agrippent des tortues par les nageoires (contre leurs grés bien entendu) pour les amener vers le Nautilus. En réalité, toutes les scènes impliquant des animaux m’ont dérangé, et notamment celles de l’otarie. Que dire aussi de la scène de la tribu indigène? Des noirs présentés comme des cannibales, courant, flèches et lances tendues, après un blond épouvanté… Aïe, aïe, aïe! quelle image désastreuse et dispensable, par-dessus tout!
Je dois aussi dire un mot à propos de la musique, gros défaut du film, car elle a une légère tendance à la crispation. Insupportable. C'est encore plus étrange, car il s'agit d'un Disney.
Le rythme est long, et certaines scènes se répètent plusieurs fois, ce qui est très ennuyeux.
Mais dans l’ensemble, c’est un film fantastique excellent des années 50, et ce n’est pas peu dire, tant il souffre de la comparaison des films aux moyens colossaux des temps modernes. Je le recommande à tous les passionnés du genre et du cinéma en général. C’est sans doute le meilleur film live des studios Disney du siècle dernier.