Si 21 grammes pèse dans la carrière d'Alejandro González Inárritu, c'est bien pour sa technique folle et malicieuse, où passé/présent/futur se confondent avec ce schéma narratif éclaté. Schéma aussi éclaté que j'éclaterai bien Naomie Watts avec mon attirail de 21 grammes tellement qu'elle est belle et joue à merveille. Cependant le reste du casting n'a pas forcément grand-chose à lui envier vu les différentes performances. C'est juste que je ne veux rien avoir à faire avec Benicio del Toro.
Si la technique est le point fort du film, elle reste néanmoins ce qui peut le faire flancher. Comme quoi il n'y a pas que chez Flunch qu'on peut flancher. En effet ce montage aussi ingénieux que bordélique fait qu'on passe du coq à l'âne. Et si cela plaît aux zoophiles, cela nuit un tantinet au film où l'émotion varie sans cesse, sans jamais prendre le temps de se poser sur une situation ou un personnage. Toujours est-il que ces personnages sont mis en valeurs d'une main de maître.
En effet, il est intéressant de remarquer que l'univers du «sans-cœur» Paul (Sean Penn) tend vers un bleu-gris, que celui du tyran de la foi Jack (Benicio del Toro) tend vers le jaune-orangé, alors que celui de la junkie Christina (Naomie Watts) tend naturellement vers un rouge qui se mélangera avec des touches du bleu-gris de Paul (à partir du moment elle prendra une certaine aquosité blanche dans son fort intérieur rosé).
A mi-chemin entre remarquables et gênants, le montage et les actions sont trop rapides pour instaurer une véritable émotion mais ont la particularité de rendre l'effet choc que plus efficace. Entre attente d'expositions de drames passés et surprises du futur, on sait tantôt à quoi s’attendre et d'autres fois non. Et le réalisateur mexicain joue assez bien avec ça, essaye de nous perdre. Mais c'est paradoxalement aussi poignant que fatiguant, un peu comme une branlette en fait.
Tout va vite et l'abondance de dialogues peut perdre le spectateur, mais Inárritu ne le permet pas grâce à une justesse omniprésente dans les cadres. Toujours esthétique, même dans le crade. À l'instar des différentes teintes de l'image pour chaque personnage, le cinéaste laisse toujours des détails qui peuvent rajouter du sens ou de l'émotion subtilement afin de compenser avec ce montage dynamique.
Quand Sean Penn ramène Naomie Watts en conduisant sa voiture, comment ne pas être ému quand on se rend compte que les sièges auto' de ses petites filles sont encore présents des mois plus tard ?
Ce film est une méditation qui explore tous les aspects de nos vies : la perte, la dépendance, l'amour, la culpabilité, les coïncidences, la vengeance, l'obligation, la foi, l'espoir et la rédemption. J'aime les personnages multidimensionnels et contradictoires. Personne n'est bon ou mauvais. Nous flottons simplement dans un immense univers, ballottés au fil des circonstances.
Alejandro González Inárritu
En compliquant sa belle histoire qui était au départ simple, en l'éclatant tel un puzzle, il oblige à nous concentrer. Seulement en voulant montrer la détresse sous toutes ses formes, la narration qu'est peut-être trop longue, peut lasser bien qu'elle laisse une grande place aux détails. Du coup, tout se mélange et va trop vite, un peu comme ta première fois, et du coup ça fatigue. Trop d’éléments en même temps à prendre en compte, peut-être pas assez de contemplation et trop d'éléments narratifs. Ce qui fait que quand on arrive à la fin du film, on a une certaine envie de souffler, de changer d'air. Malheureusement cette fin n'est peut-être pas assez poussée et aurait sans doute gagné à être plus Tarantinesque après cette accumulation de tension.
Dans tous les cas, si le dosage semble surélevé et peut nous faire plonger dans un état amorphe si on est pas friand de ce genre de came, il n'y a pas à tortiller du cul, car une chose est sûre : c'est de la bonne.