480 avant Jésus-Christ. Pendant que le roi Léonidas et ses 300 guerriers de Sparte retiennent l'armée perse de Xerxès aux Thermopyles, le stratège athénien Thémistocle fait tout ce qu’il peut pour contenir l’immense flotte de guerre d’Artémise, l'impitoyable chef de guerre (et manipulatrice) de Xerxès.
Et c’est reparti de plus belles pour le spectacle antiquo-anachronico-badassery-gorefest-n'importe quoi. Ça commence en fanfare avec la bataille de Marathon transformée en charge barbaresque au lieu d’une phalange hoplitique en rang serré (ils sont armés de haches à double lame ici, c’est dire, et Darius 1er qui meurt juste après la bataille, des mois en mer jusqu'en Perse avec une flèche dans la poitrine? Fuck it), mais le film n’a encore une fois pas prévu de s’adresser en priorité aux mordus d’histoire greco-perse, la vraie hein, plus la peine de s'étendre sur le sujet - lisez quand même les Enquêtes (Historia) d'Hérodote à l'occasion, ça vaut vraiment le coup, et c'était conseillé à la fin de la BD qui a inspiré le premier film après tout. Dans le fond un pétrolier de guerre (?!) et des kamikazes explosifs c’est tout aussi insensé que des ogres, des samouraïs à keffiehs ou un rhinocéros géant mais quand faut y aller dans la démesure, faut y aller, ladite scène est une bien plus formidable occasion de pyrotechnie que les pauvres grenades du premier, on est plus à une extravagance près. De plus, il fut difficile voire impossible de citer ne serait-ce qu'un seul film avec des batailles navales antiques d'envergure depuis Ben Hur et Cléopâtre il y a plus de 50 ans déjà, ce manque cruel est à présent comblé.
Visuellement, cette bête-là est toujours une somptueuse orgie, un peu plus qu’avant même, la puissance perse redouble d'immensité avec ces navires béhémoths noirs à proues de bélier, ces gigantesques cités orientales aux palais d'or assombri, la genèse et l'avènement du Xerxès dieu-roi piercé à taille de basketteur qu’on connaît bien et qui part en guerre de façon grandiose à la Saroumane (il a moins de présence à l'écran mais ne sera pour une fois pas aussi inconscient qu’avant, on a trouvé quelqu’un d’autre pour le surpasser magistralement dans ce domaine, devinez qui). Mais c’est aussi encore et toujours une overdose d’abdos six-packs numériques (les cuirasses c'est trop lourd et ça fait trop suer, c'est ça? ou tout simplement le syndrome "Spartacus Blood and Sand" qui s'est greffé à celui de 300? ou alors, c'est très certainement aussi pour pas couler comme des pierres au cas où ils tombent à l'eau, je n'y ai pas pensé tout de suite), de ralentis pas tous spécialement subtils ni utiles, d'épées qui tintent en fendant simplement le vent, de mains, de bras et de jambes qui tombent toujours plus nombreux qu'avant et toujours plus faits de beurre que de chair et d'os, et du sang plus noirci que d’habitude vous verrez en jaillir des hectolitres (pas de quoi rougir toute la mer mais presque) en suspension dans l'air à l'impact des armes. Ce cocktail n'est plus très innovant sept ans après, à vous de voir le degré de lassitude, de rejet complet ou de pur plaisir coupable que ça vous procurera, vous avez été dûment prévenus.
Quelques petits discours pontifiants sur la défense de la "démocratie" et de la liberté chérie contre la tyrannie sont dispensés avant de se lancer désespérément dans la bataille (quel message "démocratique" pour notre époque à nous? et en quoi elle consistait vraiment à Athènes? ça on ne nous le dira pas bien sûr). Les quelques petites trières grecques à l'Artémision et à Salamine sont seules face à l’infinie armada de fer et de bois noir, mais maniées avec brio comme les boucliers et lances des 300, elles font évidemment écho au grand sacrifice aux Thermopyles du précédent film mais sur mer (un pur régal que cette première bataille d’éperonnage puis ce piège habile dans un détroit rocheux), avec moins d’emphase verbale sur la qualité guerrière des combattants du jour (en vrai les citoyens-soldats valaient largement Sparte sur terre mais bon) mais aussi de redondants poncifs dans les dialogues, avec moultes évocations des veuves, orphelins, fils et pères pris dans la tourmente et qu’il faut défendre... Oui, ce qu’on peut qualifier de « dialogues » dans ce film m’a sérieusement gavé à force d’être répétitif, en mode « captain obvious » et d'une écriture très plate, sans subtilité la plupart du temps.
Sans doute est-ce la vision d'horreur de leur grande et belle cité qui crame et de leurs femmes violées, il y a un manque cruel d’humour chez ces Athéniens comme on pouvait en trouver dans les plaisanteries viriles (ou pseudo-viriles) et ridiculement dures à cuire des Spartiates du premier (en plus de leur laconisme historiquement fameux), ils sont bien moins caricaturaux (ce n’est peut-être pas un mal si ce film ne générera pas autant de folie mimétique sur le net que le précédent), ce sont des héros plus humbles, moins charismatiques, mais non moins vaillants. Ce n’est pas l'habitude du grand leader du jour (Sullivan Stapleton) de jouer au bravache suicidaire comme le faisait Gerard Butler, pas de "MADNESS" héroïque qui défie et insulte la mort inexorable en serrant les dents, moins de folie dans le regard également, il fait plutôt dans la résolution héroïque et le génie stratégique, la gloire imprègne moins ses hommes que ne le laisse penser l'affiche, le courage par contre oui, et un brave père meurt au combat au lieu de son fils cette fois.
Des visages familiers de Sparte sont de retour pour quelques apparitions succintes mais nécessaires, Lena Headey (au fait, c'est moi ou elle charge dans la bataille en portant une robe?! et sans bouclier?) et David Wenham en l’occurrence, avec aussi une scène de pancrace tellement saignante et chargée en testostérone que c'en est hilarant. La complexité des relations entres les cités grecques manque vraiment à l'appel, les scénaristes (dont Zack Snyder) ne se sont pas attardés à l'expliquer (j'aurais bien voulu en savoir plus mais tant pis). On a aussi droit à un petit moment "diplomatique" de tension charnelle entre le héros en chef et la grande ennemie pour changer (et appâter le chaland?), Eva Green dévore l'écran à pleines dents de sa présence vénéneuse et de sa motivation bien plus assoiffée de vengeance morbide que de conquête, elle est sublime pour peu que vous n'oubliiez pas dans quoi on est : un pur délire bisien de luxe, pas une fresque historique encore une fois, ni un drame antique à la Sophocle, Shakespeare ou Racine.
Je n'ai pas boudé mon plaisir malgré une montagne de défauts qui peut faire vite crier au "navet", mais la redite totale a été évitée, les évènements s'imbriquent bien dans la continuité de ceux du premier film, c'est toujours absurdement épique et ce même s'il y avait moins de surprises qu'avant et des longueurs pénibles par moments. Un troisième et ultime baroud d'honneur à Platées afin de bouter une bonne fois pour toutes le géant piercé hors de la Grèce fantasmée? Pourquoi pas.