La fête de Yuma
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"3:10 pour Yuma", western de Delmer Daves réalisé en 1957 contient tous les ingrédients du chef d'œuvre : une belle histoire qu'on pourrait qualifier de fable morale, un scénario rigoureux, une mise en scène limpide et efficace, une photographie N&B très travaillée, des acteurs convaincants et crédibles et une bande son poignante avec une chanson entêtante.
L'histoire est la confrontation entre deux personnages que tout oppose mais qui au final ne seront jamais aussi proches. L'un, Ben Wade, un gangster intelligent, séducteur et manipulateur doit être conduit au (fameux) train de 3h10 pour le pénitencier de Yuma. L'autre, Dan Evans, est un fermier honnête et travailleur, d'une grande intégrité morale que la sécheresse accule à la ruine. Il accepte la dangereuse mission de convoyer le gangster et se trouve rapidement bien seul face à Ben Wade mais aussi à sa bande qui vont vouloir délivrer leur chef.
Ce western me rappelle irrésistiblement au moins deux autres westerns dans des histoires différentes mais avec un point commun, la rigueur morale et le sens du devoir du héros. Il s'agit du "train sifflera trois fois" de Fred Zinnemann et de "la chevauchée du retour" de Allen Miner
Concernant la réalisation, je voudrais revenir sur la scène d'introduction qui est un modèle du genre. Pendant le générique, sous la chanson "3:10 to Yuma" chantée par Frankie Laine, on voit une diligence à grande allure qui s'approche peu à peu. Puis la caméra se détourne sur un troupeau de bovins encadrés par des cow-boys. Jusque-là, rien de particulier. Sauf que la diligence sera arrêtée par le troupeau de bovins et attaquée par la bande de Ben Wade. Pas loin de là, un fermier et ses jeunes fils observent et se tiennent à l'écart par prudence. Il s'agit de Dan Evans. Le troupeau est le sien et a été utilisé à son insu par la bande de Ben Wade. Le spectateur se trouve alors dans une situation où il ne peut qu'apprécier sommairement les personnages et leurs attitudes. D'une part, en quelques minutes, tous les personnages importants du film sont mis en scène. Et le spectateur est mis sur une fausse piste. Il reste une petite heure et demie à Delmer Daves pour approfondir les personnages et modifier la perception du spectateur...
Le jeu des acteurs est impressionnant de justesse et de crédibilité.
Ben Wade, c'est Glenn Ford dans un rôle complexe d'un gangster d'un côté, une belle fripouille qui n'hésite pas à flinguer un de ses acolytes, de l'autre, un séducteur qui ne peut s'empêcher de faire du gringue dès qu'il voit un jupon. C'est aussi un personnage intelligent qui sait manipuler son interlocuteur et sait jouer avec l'empathie. Et Glenn Ford excelle dans ce rôle qui va évoluer, s'adapter entre le début et la fin.
Dan Evans, c'est Van Heflin dans le rôle lui aussi complexe du fermier qui au départ ne se mêle pas des affaires des autres au risque de paraître un lâche aux yeux de ses enfants mais qui est aussi un homme de devoir et de responsabilité. Quand il le faudra, il montrera les qualités de devoir, de rigueur et de courage inflexible.
Les deux personnages féminins, très beaux dans des registres différents, méritent aussi notre attention.
Felicia Far dans le rôle de la serveuse du saloon, très féminine dont la vie est désespérément vide et solitaire dans ce "village de vieux", qui se laisse courtiser par un Glenn Ford séducteur et séduisant, bien qu'elle sache que tout ceci n'est qu'un feu de paille.
Leora Dana dans le rôle de l'épouse de Dan Evans, humaine, compréhensive et pleinement solidaire de son mari. Elle permet d'ancrer le personnage de Van Heflin dans une réalité quotidienne et est une justification de son action.
"3h10 pour Yuma est un western de grande tenue morale. Il n'y a pas de poursuite trépidante, de bagarres homériques ou de duels mais il y a des personnages qui sont finalement tous très attachants.
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Créée
le 31 juil. 2021
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9 commentaires
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