4 mois, 3 semaines, 2 jours par Giallover
Caméra fixe ou portée à l'épaule, les plans-séquences se succèdent. Pas de musique additionnelle, aucune fioriture. L'objectif ne lâche que rarement Otilia (Anamaria Marinca), lui emboîte le pas, capture son visage, ses gestes, ses expressions avec une froideur clinique. C'est comme si la caméra faisait intrusion dans le petit monde de ces jeunes femmes, comme si elle en enregistrait (volait ?) des instants bruts livrés tels quels au regard du spectateur. Le parti pris est radical, le mécanisme imparable et le résultat, confondant de réalisme. Le spectateur se retrouve happé, pris aux tripes crescendo au fur et à mesure que les heures passent. L'effroi, la détresse, la peur et toutes les autres émotions d'Otilia sont presque palpables (magistrale scène du dîner d'anniversaire). "4 mois, 3 semaines, 2 jours" est davantage que l'histoire d'un avortement clandestin. Mungiu ne porte aucun jugement sur ce sujet. L'enjeu est ailleurs. Le film s'inscrit dans un contexte particulier : la Roumanie des dernières années de l'ère Ceaucescu. Atmosphère dépressive, lumière blafarde : la chape de plomb qui pesait alors sur le pays. Au détour de chaque scène, sont évoqués le marché noir, la débrouille faite mode de vie, l'absurdité qui contamine le quotidien (voir comment il est compliqué de réserver une chambre d'hôtel), la fracture entre une classe aisée aveugle et ceux qui vivent plus chichement. Il semble n'y avoir, pour les Roumains, à cette époque, d'autre alternative que le désenchantement résigné ou le cynisme total. Otilia et son amie Gabita : deux destins parmi d'autres. Amenées à choisir entre le pire... ou le pire, elles sont avant tout prisonnières d'un système (qui ne va pas tarder à imploser) qui ne leur laisse que le choix du courage.