"Quand je vais au cinéma, je ne veux pas me prendre la tête", "je dépose le cerveau à l'entrée, je le récupère à la sortie", "c'est du divertissement". Ce joker - employé pour couper court à la discussion - on l'a tous déjà utilisé puisque chacun a son propre plaisir coupable. Prenons Michael Bay (au hasard, bien sûr), l'un des illustres bénéficiaires de ce type de grâce inexplicable. Sa carrière est principalement constituée d'objets cinématographiques à base de bim-bam-boum, d'images carte-postale et de stupidités en tout genre.
Techniquement, le cinéaste est à des années lumières d'un John McTiernan, d'un George Miller ou d'un John Woo. Même à un niveau moindre, feu Tony Scott (d'ailleurs précurseur dans l'esthétique ultra-cut) me parait bien plus compétent pour raconter une histoire et donner une âme à ses films. De son côté, Bay est devenu l'emblème d'un cinéma d'action chaotique et décérébré et qui en est fier. Après tout, pourquoi pas ? En soi, l'homme est devenu un auteur en la matière. Il a son style (reconnaissable), il a ses motifs récurrents. Un auteur, oui.
Bon, j'ai beau respecter le réalisateur, je dois avouer que je méprise la majorité des films qu'il a tournés. Et 6 Underground représente un cap que j'avais espéré ne jamais retrouver. Ne parlons pas de l'histoire, puisqu'elle est - comme souvent chez Michael Bay- complètement accessoire. Les personnages réduits à de purs archétypes, définis par leur sexe ou leur humour. Ils sont vides.
Là où le constat devient critique, c'est que formellement le long-métrage est d'une laideur impensable. La narration est complètement explosée, entre le montage à 200 plans/minute, la lecture de l'espace bazardée et les faux raccords à la mitraillette. C'est une véritable épreuve qui commence dès l'introduction. Bay ne cherche même plus à nous immerger dans l'action puisqu'elle rendue illisible par le montage indéchiffrable. Et ne parlons pas des blagues, aussi drôles qu'un infarctus. Le pire, c'est que ça ne va pas en s'arrangeant bien au contraire.
En gros, 6 Underground évoque le travail d'un épileptique en pleine crise, ou d'un adolescent qui expérimente l'overdose, ou les deux à la fois. Ça passerait presque pour de l'abstrait tant RIEN dans ce film n'a de sens. Ni l'histoire, ni les enchainements, ni les transitions; rien de rien. En comparaison, les productions Asylum recèlent de purs délires cartoonesques, avec leurs scripts de 3 lignes et leurs SFX à vomir. Là, tout a été mis en œuvre pour rendre la séance douloureuse. Dieu sait que je n'aime ni Armageddon, ni The Island et que je répugne à revoir ne serait-ce qu'un seul Transformers, mais au moins ils contiennent quelques scènes plaisantes. Ce nouveau Bay réussit la prouesse d'annihiler toute trace d'efficacité où que ce soit.
150 millions de dollars de budget, c'est beaucoup. Moi, ça me parait cher payé pour un film qui fait tout ce qu'il peut pour saboter toute ambition artistique. Même pour un plaisir coupable, ça relève presque du masochisme de s'infliger une chose pareille.