Thriller high tech et film militant, The East réussit son pari de divertir et d’ouvrir (un peu) les consciences. Avec en prime, une brochette d’acteurs qui se sont donnés à fond sur le projet. Un des outsiders possibles de l’été.
C’est peut-être un détail, fait de manière opportune pour légitimer une démarche, mais Zal Batmanglij et Brit Marling, respectivement réalisateur et comédienne et couple dans la vie, ont vécu un été comme des freegans. Ils se sont aperçus qu’il était possible de vivre ainsi sans un sou, en récupérant notamment dans les poubelles, la nourriture jetée mais toujours comestible (parfois même encore emballée) . De cette expérience, ils n’ont pas tiré un documentaire mais, chose étonnante, un thriller. Une agence privée, spécialisée dans l’espionnage et l’infiltration, envoie Sarah, une de ses agents, intégrer un groupe d’activistes écologistes. Elle devra en apprécier la dangerosité terroriste et, si nécessaire, les mettre hors d’état de nuire. Victime d’une sorte de syndrome de Stockholm et tombant amoureuse de Benji, son leader charismatique (Alexander Skarsgård), la jeune femme va être bousculée dans ses certitudes et glisser petit à petit du côté des « terroristes ».
Cheval de Troie du film, Sarah en est le personnage point de vue : on la suit donc découvrant qui se cache derrière The East, leur philosophie mais aussi leurs actions coup de poing : nous sommes bel et bien dans un thriller avec, à la clef, des surprises de taille, du suspense, des revirements de situation qui tiennent le spectateur en halein. Les actions perpétrées par the East sont inventives et pourraient donner des idées à des apprentis militants en quête d’action.
The East s’inscrit bien dans notre époque, intégrant les technologies de l’information, les réseaux sociaux dans les moyens utilisés par The East pour mener son combat. Autre stigmate de l’époque, ce n’est pas le FBI qui traque le groupuscule mais bel et bien une agence privée, dont les motivations ne sont plus la sécurité nationale ou l’idéologie mais seulement le profit et l’intérêt financier de leurs clients – des multinationales. Sharon (Patricia Clarkson, glaçante), directrice de l’Agence, personnifie bien cette perpétuelle dérive vers une société plus cynique et plus matérialiste. Mais The East est surtout en phase avec les questionnements de notre époque, par son intérêt affirmé pour les problèmes environnementaux et les crimes écologiques commis par les Multinationales. Le propos de Zal Batmanglij, de Brit Marling est bien militant, avec l’idée sous-jacente d’ouvrir quelques consciences. Un peu comme les yeux de Sarah, découvrant un monde inconnu d’elle (le repère de The East semble tout droit sorti d’un conte de Perrault) et des schémas de pensée alternatifs dont elle n’avait jamais imaginé l’existence. Dans sa volonté de convaincre, le film a la défaut d’être parfois un peu trop didactique ; à quelques moments même, un peu trop simpliste. Il reste un divertissement qui a du sens, certes, (dans cette période de disette hollywoodienne, c’est déjà en soi un vrai bonheur !) mais un divertissement tout de même : le film sacrifie quelques raccourcis et autres invraisemblances au profit d’une efficacité de thriller (l’intégration totale de Sarah auprès de ce groupe considéré comme « ultra méfiant » se fait quand même très rapidement) .
En revanche, le film ne fait pas dans le manichéisme béât. The East n’est pas un Robin des Bois des temps modernes et si l’on ne peut qu’adhérer à leur combat, il en est autrement sur les moyens employés. Ce sont bien là des terroristes, des criminels et c’est justement là que se situe la question essentielle qui taraude le film – et son personnage principal – : jusqu’où peut-on aller pour défendre ses idées ? Une bonne cause peut-elle exonérer tout crime ? Zal Batmanglij et Brit Marling tranchent in fine, y compris en faisant un film et non en montant un vrai The East.