Joe Coeur...

Un homme dérangé au corps couvert de cicatrices, qui vit seul avec sa mère dans un vieil appart délabré, cela préfigure un autre personnage du même Phoenix ! Il échangera plus tard son petit marteau contre un revolver six coups et sa barbe hirsute, poivre et sel, pour un maquillage coloré. Tout est déjà là, même l'ambiance glauque de la ville et de son métro, une source d'inspiration pour Todd Phillips et un bon échauffement pour Joaquin ? Le film se vends comme le nouveau "Taxi Driver", déjà cette référence, tiens, tiens...

Doublement récompensé au festival de Cannes 2017, prix du meilleur scénario, prix de l’interprétation masculine, décidément notre acteur est en bonne grâce avec les critiques... Les circonstances m'ont conduit à le voir juste après Joker, par curiosité. Il aurait fallu que je l'apprécie dans son jus et non à l'ombre d'un autre film, car le ton m'a paru plutôt tiède. Il n'y aura pas cette fougue, cette exaltation, Joe se sent investi d'une mission, mais il reste distant, tel l'étranger de Camus. L'aspect violent et réaliste nous glace le sang, au fur et à mesure que Joe perds le contrôle de ce qui devait n'être au départ qu'une petite justice personnelle. Un acte du coeur qui bascule dans le chaos.

Marqué par une symbolique parfois abstraite, le dernier tiers du film nous illumine de somptueux décors bucoliques, contrastant avec la noirceur du début. Une renaissance pour Joe dont l'esprit torturé semble avoir été libéré par ses actes. On retiendra une scène iconique où il s'immerge au fond d'un lac avec des pierres, pour y faire son deuil. Dans une retenue presque christique, comme impassible après un bain de sang, ne versant que quelques larmes, il fantasme sa propre mort pour finalement prendre le temps d'apprécier une si belle journée ensoleillée.