S'inspirant de la série noire policière, Godard réalise un film, comme on le sait, hors norme et novateur, premier film qui est l'aboutissement de l'oeuvre critique du cinéaste. En dépit que le sujet et le scénario, relatant la cavale -ou plutôt les déambulations- dans Paris du petit truand Michel Poiccard, tiennent à peu de choses.
Tant dans la forme que dans l'esprit, Godard se détourne du "classicisme" et des conventions, et en particulier il réinvente le cinéma policier. Tournage en extérieurs (en l'occurrence dans les rues de Paris), mobilité de la caméra et, surtout, montage déjouant les raccords usuels ou traditionnels, sont autant de façons qui donnent une vitalité nouvelle au récit filmique. Et n'oublions pas que Godard a toujours dit qu'il voulait faire tout ce qui ne se faisait pas à l'époque. De fait, la mise en scène, même à revoir le film après quelques décennies, séduit toujours par sa légèreté, sa dynamique, ses coq-à-l'âne surprenants.
La réalisation n'est pas tout. "A bout de souffle", c'est aussi la fantaisie sur fond de références au film noir (voiture américaine, chapeau mou, hommage à Bogart..). Parfois improvisés, souvent saugrenus, les dialogues vont dans le sens d'une comédie policière, ainsi que l'interprétation par Belmondo d'un Michel Poiccard désinvolte et insouciant.
Belmondo et Jean Seberg forment un couple étonnant. Dans le rôle de la charmante et candide Patricia, Jean Seberg sera amenée à jouer les femmes fatales comme au temps du polar américain que révère Godard. Iconoclaste, tout en respectant et admirant un genre, Godard réalise d'une certaine manière une parodie de film noir, un film ludique sans glamour ni aucune dramatisation.