Je me suis fait spoiler la fin par le synopsis de Sens Critique, visiblement rédigé par un authentique demeuré, ce qui a évidemment faussé mon ressenti. Peut-être la note eut-elle été différente si j'avais pu découvrir le film dans des conditions optimales...
"A chacun son enfer" est un film particulièrement méconnu d'André Cayatte (19 notes et 0 critique sur SC, aucune non plus sur allo-ciné, ce qui est plus rare), situé dans la dernière période de Cayatte au cinéma, lequel réalisera encore 2 long-métrages l'année suivante, avant de se rabattre vers la télévision.
Le tournage a lieu très peu de temps après la médiatisation massive de l'affaire Patrick Henry, qui bouleversa la France en 1976, et plane nettement sur le film, en dépit de différences notables.
Il est question d'un enlèvement d'enfant et d'une demande de rançon, aux conséquences similaires, et le véritable ravisseur n'hésite pas à réclamer la mort pour le coupable, tout comme Henry l'avait fait devant les caméras.
Malgré sa structure de polar bien ficelé à la fin surprenante, "A chacun son enfer" n'est pas un divertissement, et n'a rien d'un film confortable : on suit le point de vue de la mère (Annie Girardot), évidemment affolée, angoissée, sous le choc, puis anéantie et brisée, à mesure que les catastrophes s'abattent sur son foyer.
Le spectateur est donc amené à partager son état d'esprit perturbé, notamment par les multiples agressions ressenties (par les voisins, les journalistes, les flics), le récit induisant par ailleurs divers questionnements extrêmement désagréables.
Comme souvent chez Cayatte, le film s'avère en effet d'une noirceur absolue, jusque dans cette dernière scène un peu facile et expédiée, très similaire à son film précédent ("Verdict").
"A chacun son enfer" n'est clairement pas un film d'esthète, le soin apporté à la forme apparaissant minimal, avec une image sous-exposée et une photo assez laide.
"A chacun son enfer" est surtout une terrible claque dans la gueule, à l'image des deux minutes de silence absolu qui accompagnent Annie Girardot se rapprochant du sac bleu abandonné sous le pont (visible sur l'affiche), plus effrayantes et destabilisantes que bien des productions horrifiques et tous leurs effets spectaculaires.
Habituée du cinéma de Cayatte, la comédienne s'investit énormément dans ce rôle hyper exigeant, au sein d'un casting qui comprend aussi Bernard Fresson, Hardy Krüger et Fernand Ledoux, excellent dans le rôle du grand-père "vieille France".