Spielberg en trois actes. Imparfait mais fascinant.
Un couple dont l'enfant est tombé dans le coma décide de se trouver en attente de son réveil un androïde de substitution, capable d'affection. Au retour de l'enfant biologique, la situation dégénère petit à petit...
Sans doute le film le plus dérangeant et le plus fascinant de Spielberg. En reprenant un projet de Stanley Kubrick, le cinéaste signe une oeuvre tout à fait atypique, au rythme ciselé, aux effets tape à l'oeil, au style noir et blanc à la fois. Les trois premiers quarts d'heure sont splendides, intégrant David (merveilleux Haley Joel Osment) dans une famille en crise. Le changement est ensuite radical. Après la saine famille à l'appartement blanc, David rejoint ses compagnons mécha dans un monde nettement moins lumineux, et où il ne fait pas tellement bon d'être fait de métal et d'acier. Dans cette seconde partie, le style visuel de Spielberg frôle l'excès. Des couleurs de tous les côtés et une architecture de la ville de Rouge City entre autres pas toujours très fine. Mais très belle quand même. La troisième et dernière partie revient à la lenteur et l'esprit de la première. C'est dans ce troisième segment que l'influence Kubrick opère. Sans raccords, froid, révélateur, ce dernier chapitre à l'arrivée à Manhattan est ce que Spielberg a filmé de plus grandiose. Et pourtant, malgré l'émotion portée à l'écran, impossible de ne pas rester frustré devant cette fin sans fin.
Au final, "A.I." est un film un peu bancal, Spielberg semblant changer de méthode de narration toutes les dix minutes. Mais le spectacle emballé a au moins quelque chose de purement Kubrickien : une aura et un style hypnotiques, que ce soit dans le jeu parfait de ses acteurs ou dans l'inclusion d'évènements inattendus. Le film le plus controversé et dérangeant de Spielberg, mais aussi son plus intelligent exercice de style.