C’est un film assez culotté que nous propose ici Eric Gravel : il me semble qu’il y a beaucoup de travail sur la mise en scène, la lumière, la musique. Le rythme est haletant, on est pris très vite par le film. Pas de voix off, peu de dialogues, mais du bruit tout le temps, qui oppresse le personnage principal. Laure Calamy est comme souvent impeccable dans son rôle de mère divorcée qui élève seule ses deux enfants. L’oppression est là partout, alors qu’on suit « simplement » le quotidien d’une mère de famille très banale (qui pour une fois ne cache pas de noir secret). Ça n’en fait pas forcément un film très agréable à regarder, par contre c’est un film qui pose question.
En revanche, malgré toutes les qualités du film, je n’ai pas réussi à dépasser le fait que pour moi le scénario ne tient pas la route. Pendant tout le film, on nous montre des transports en grève, 100% des trains supprimés, aucun taxi dans Paris, aucun bus et aucun métro. Cette situation reste très exceptionnelle, au cours des dernières décennies elle ne s’est produite qu’en 2019 et en 1995 (en tout cas pendant plusieurs semaines). De même, il y a ce personnage du contrôleur qui explique que le service minimum n’existe pas (pourtant, même s’il est contestable, le service minimum existe bien légalement).
Là où c’est dommage, c’est que je pense qu’on n’avait pas besoin d’en arriver là pour que la situation (la réalité) soit déprimante. Le film retranscrit si bien l’urgence dans laquelle on est sans arrêt plongé à Paris, le stress ; pourquoi en avoir rajouté autant avec ces situations qui, si elles ne sont pas invraisemblables, restent anecdotiques ? Même sans grève de tous les transports, il y a des retards, des temps d’attente, des correspondances et des trains qui n’arrivent pas (qui rendent fou). De plus, le film est décrit comme un « survival du quotidien », ce qui aurait pu être approprié … mais le fait qu’il soit fondé sur un événement aussi exceptionnel contraste, de mon point de vue, trop fortement avec ce quotidien.
Je suis donc sortie très frustrée du film car j’ai trouvé le rythme de la capitale retranscrit parfaitement, de façon vraiment originale … mais les trop grosses ficelles des situations dans lesquelles Laure Calamy est mise ont complètement annulé tout ce travail pour retranscrire l’oppression du temps, et le rythme de fourmilière d’une métropole.