Chronique : Benji et David sont cousins, américains, juifs, ils ont le même âge et ont toujours été très proches. Au décès de leur grand-mère, ils entreprennent un voyage en Pologne pour honorer sa mémoire, là où elle vécut et réchappa aux camps. Ce voyage sera l’occasion pour eux d’explorer leurs origines familiales et leur judéité.
A Real Pain est un buddy movie singulier sur les traces de la shoah, alimenté par la dynamique particulière de ce duo mal assorti. Leurs interactions apportent au film une légèreté qui vient adoucir et même apaiser la solennité et la gravité de son sujet.
Benji est en effet aussi social et extraverti que David est angoissé, réservé et effacé. Quand le charme et la spontanéité de l’un lui permettent de mettre toutes les personnes qu’il croise dans sa poche, l’autre fait preuve d’un terrible manque de confiance en lui. Mais chacun gère un mal-être qu’il camoufle plus ou moins adroitement.
Ils vont rejoindre à Varsovie un petit groupe hétéroclite, mené par un guide anglais enthousiaste (Will Sharpe vu dans White Lotus) et composé de personnalités bien différentes aux aspirations toutes personnelles. On y croise un couple de retraités à la recherche de ses racines, un Rwandais ayant survécu au génocide et converti au judaïsme ou encore une sexagénaire tout juste divorcée qui a fui la futilité de Los Angeles (touchante Jennifer Grey – oui, la Baby de Dirty Dancing).
En parcourant les vestiges de ce que furent les ghettos de Varsovie, le cœur de la ville juive historique de Lublin et le camp de concentration de Majdanek construit juste à côté, on est, au même titre que les membres de ce petit groupe, traversés par de fortes émotions. Et on prend part avec intérêt à leurs discussions et à leurs échanges parfois tendus mais toujours passionnants sur le devoir de mémoire, la culpabilité, l’identité ou encore la responsabilité individuelle et collective.
Mais c’est vraiment lorsque le film s’intéresse à la relation qui lie David et Benji, à leurs chemins communs et personnels, que A Real Pain touche au plus juste et se montre poignant. Eisenberg s’est rarement montré aussi vulnérable. Il ne s’offre pas le plus beau rôle mais le remplit à merveille. Quant à Kieran Culkin, il crève l’écran. C’était déjà mon fils Roy préféré dans Succession, il confirme un bagou, une sensibilité et un charisme hors du commun. Il vient d’obtenir un Oscar du meilleur second rôle amplement mérité, mais on se demande pourquoi il n’était pas éligible au premier rôle…
A Real Pain est un road movie assez unique, juste et drôle, mis en scène avec beaucoup de tact et de subtilité. Une tragicomédie sur un sujet dur, traité avec délicatesse et douceur, sans voyeurisme et dont l’émotion vous saisira sans crier gare.