C'est toujours délicat d'aborder l'Holocauste au cinéma. Ici, c'est plutôt son héritage qui est demicatement abordé par Jesse Eisenberg dans un film doux amer. Est-ce aussi indécent de faire un tourisme autour de la Shoah en Pologne que de représenter les camps dans un film de fiction historique américain ? A travers le tourisme, on parle aussi de représentation, et ces deux cousins que tout oppose en terme de sensibilité, se représentent bien différemment ce voyage mémoriel.
Kieran Culkin (Benji) propose un jeu hypersensible et sans tabou, c'est celui qui ose critiquer les conventions de ces voyages tout tracés, à commencer par les statues et le train. Peu orthodoxe, accompagné par des joints, sa vision du devoir de mémoire passe par l'incarnation plutôt que par les chiffres. Jesse Eisenberg (David), lui, par un jeu stressé et peu perméable, paraît vite assez indifférent de la méthode et se plie aux conventions du voyage que le guide applique. Les autres membres du groupe (peut-être pas assez exploités) se positionnent tous plus ou moins par rapport à ce duo venu voir la maison qu'habita leur mamie Dory décédée.
La mise en scène, un peu répétitive, est tout de même astucieuse et délicate, la photo soignée du film ajoute de la douceur à l'amertume de ce voyage certes riche en émotions, mais sans éclats. Les transitions parfois radicales (notamment l'entrée et la sortie du camp) permetent de passer d'un sérieux à un autre en une coupe, et c'est rare d'arriver à ce niveau de rigueur. Ni comique, ni tragique, A real pain expose la douleur et l'émotion avec une heureuse modernité.