A Serious Man par Kroakkroqgar
Une fois n’est pas coutume, les frères Coen surprennent avec ‘A Serious Man’, quitte à laisser une partie de leurs spectateurs dans la perplexité.
Les intentions des deux réalisateurs sont loin d’être évidentes dans cette œuvre à l’atmosphère si particulière. On peut y lire une réflexion sur la coexistence du mal et de Dieu, on peut y discerner une critique du traditionalisme juif, on y peut y voir un manifeste de l’absurdité de la vie, mais jamais les frères Coen ne précisent vraiment le fond de leur pensée. Face à tous les problèmes que Larry Gopnik à affronter, comment ne pas pardonner son unique pêché ? Quel crédit donner aux Rabbis, incapables de conseiller Larry dans cette passe difficile de sa vie ? Quel sens donner à l’introduction énigmatique du récit ? L’intrigue semble jouer de son personnage principal comme d’un cobaye en laboratoire, comme pour le mener jusqu’à une crise de nerfs qui n’arrive jamais.
Et c’est ainsi que ‘A Serious Man’ parvient à fasciner. Chaque nouvel élément perturbateur s’impose comme une énigme que les réalisateurs lancent aux spectateurs, et les retournements de situation improbables relancent inlassablement le récit aux moments opportuns. Evidemment, une partie de nous regrettera la vanité certaine d’un scénario qui ne mène nulle part. Mais ce léger sadisme a quelque chose de jubilatoire, comme lorsque Rabbi Nachter conte un récit mystérieux sans conclusion.
‘A Serious Man’ est également un film à l’ambiance écrasante. La routine et les petits tracas quotidiens sont certes bousculés par les catastrophes qui tombent sur la famille Gopnik, mais c’est surtout le travail sur la mise en scène et la bande-originale qui crée la tension de l’œuvre. La photographie impeccable, les morceaux doucereuse de Carter Burwell, les plans faussement anodins et les cauchemars réalistes de Larry participent à instiller un malaise croissant toute au long du récit. Même l’écriture des personnages semblent prendre part à la composition de cet étrange ballet lugubre. Les portraits contrastés de Larry, Sy, Judith et oncle Arthur sont avec interprétés avec une retenue perceptible, et ajoute à la sensation de fausseté de ce théâtre prêt à imploser.
Une œuvre fascinante et énigmatique.