On connaît tous ces périodes de la vie où celle-ci ne vous épargne pas, où les galères s'enchaînent, nous laissant l'impression qu'on ne maîtrise plus rien, que plus rien n'a vraiment de sens, finalement.


C'est exactement ce qui arrive à Larry Gopnik, que nous rencontrons dès le début du film en proie à toutes sortes de problèmes qui s'apparentent à une série noire : sa femme le quitte pour un de ses amis, ses enfants sont d'insupportables ados égocentrés, son boulot de prof de fac semble ne plus le botter autant qu'avant et l'un de ses étudiants vient un peu trop souvent se plaindre des notes qu'il reçoit et qui lui paraissent imméritées.


Rien de gravissime ou d'extraordinaire, me direz-vous, et c'est là sans doute toute la finesse de ce Serious Man qui m'a beaucoup étonnée par sa profondeur et son humour : dépeindre avec justesse et mordante ironie le quotidien décevant, peu grandiose, de l'homme occidental face à ses difficultés existentielles et ses "petits" drames personnels. Car il y a autre chose aussi : Larry est juif pratiquant et, face au désarroi qu'il ressent, celui-ci va chercher des réponses auprès des puits de science et de sagesse que sont (censément) les rabbins qu'il côtoie.


Les différents échanges qu'il a avec eux et dont nous sommes témoins sont très drôles, il faut voir la mine déconfite, hagarde ou agacée de Larry pour qui ces discussions ajoutent de l'incompréhension à sa détresse. J'ai trouvé Michael Stuhlbarg vraiment touchant dans ce rôle, on le sent tellement en demande de consolation, de réassurance, que le spectateur ne peut refréner son attachement pour lui.


Ce film nous éclaire en outre sur la culture juive américaine, sur les rites imposés, sur les relations que les familles entretiennent avec leurs responsables religieux (qui ont une grande place dans leur vie), sur les incontournables cérémonies - autant de situations dont on est rarement témoins au quotidien et que le cinéma nous permet de découvrir.


Pour moi, les frères Coen ont réussi là où Woody Allen et son Irrational Man ont échoué : dépeindre brillamment, avec suffisamment d'humour - sans tomber dans la comédie légère - les tourments philosophiques et existentiels de l'homme occidental qui n'y comprend plus rien, qui cherche un sens à tout ce bazar de l'existence et de ses aléas.


L'ensemble est très bien joué, émouvant, intelligent, profond, drôle : à l'image de l'affiche du film, A Serious Man joue sur le décalage, l'absurdité, pour faire jaillir une certaine vérité universelle.

BrunePlatine
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Bons films vus en 2016

Créée

le 7 avr. 2016

Critique lue 673 fois

15 j'aime

Critique lue 673 fois

15

D'autres avis sur A Serious Man

A Serious Man
Torpenn
7

Le cantique des quantiques

Après le plus que mitigé Burn after Reading, les frères Coen reviennent agréablement à leurs origines et revisitent le mythe de Job. Ce film raconte les mésaventures de Larry Gopnik, professeur de...

le 6 déc. 2012

87 j'aime

24

A Serious Man
obben
8

Why so serious ?

Dés les premières minutes d'A Serious Man, les frères Coen développent un univers délirant, mélange de tradition (l'introduction en apologue sans morale), de révolution culturelle et de rock...

le 24 mars 2012

61 j'aime

3

A Serious Man
pphf
8

Joliment décoennant (autoportrait ?)

Question clé : est-ce vraiment un film des Coen ? Le thème, presque trop personnel (alors qu'ils ne parlent jamais d'eux-mêmes), le casting, très différent de leurs autres films, des préoccupations...

Par

le 6 oct. 2013

51 j'aime

9

Du même critique

Enter the Void
BrunePlatine
9

Ashes to ashes

Voilà un film qui divise, auquel vous avez mis entre 1 et 10. On ne peut pas faire plus extrême ! Rien de plus normal, il constitue une proposition de cinéma très singulière à laquelle on peut...

le 5 déc. 2015

80 j'aime

11

Mad Max - Fury Road
BrunePlatine
10

Hot wheels

Des mois que j'attends ça, que j'attends cette énorme claque dont j'avais pressenti la force dès début mai, dès que j'avais entraperçu un bout du trailer sur Youtube, j'avais bien vu que ce film...

le 17 déc. 2015

77 j'aime

25

Soumission
BrunePlatine
8

Islamophobe ? Vraiment ? L'avez-vous lu ?

A entendre les différentes critiques - de Manuel Valls à Ali Baddou - concernant le dernier Houellebecq, on s'attend à lire un brûlot fasciste, commis à la solde du Front national. Après avoir...

le 23 janv. 2015

71 j'aime

27