Cure-dent au bec, sourire en coin, chemise négligée, gueule d'ange qui a roulé sa bosse. Le gars s'appelle Tequila, donne le La dans les jazz bar, boit le thé à l'aube et bosse comme flic à Hong Kong. John McClane l'aurait pris pour un gland avant de le serrer dans ses bras. La lose qui colle au front, ils connaissent ça bien. Mais ce cousin oriental vit plutôt en solitaire et badine au boulot.
Nous sommes en 1992. Quatre ans plus tôt sortait Piège de cristal, prouesse de cinéma d'action vertical (volontairement opposé au scope horizontal de McTiernan, dixit ce dernier et son chef décorateur). Electrisé par ce manifeste de modernité, John Woo fit ce qu'il fait d'ordinaire : mettre ses tripes sur la table. Rêvant depuis toujours de réaliser une comédie musicale, il l'a fait, ici même.
Sauf que A tout épreuve n'est pas vraiment glamour. Il sent la fumée froide et les douilles concassées. Sa musique n'invite pas à battre la mesure mais à serrer les dents. Pas de danseur du dessus, d'américain à Paris ou de gens qui chantent sous la pluie dans A toute épreuve. John Woo y superpose des fusillades chorégraphiées, un véritable bullet ballet.
Grand huit où la tôle, les étincelles, les flingues et la fumée sont autant de groupes d'instruments, A toute épreuve emprunte à Busby Berkeley, le Bondartchouk du genre, la démesure de ses musicals techniquement suicidaires. Gourmand, il cite dans le même temps le Bob Fosse de Que le spectacle commence, dont il s'acharne à comprendre la fièvre du découpage.
Des seconds rôles peuvent bien jouer faux, l'humour se ramasser parfois, l'eau de rose menacer et quelques péripéties s'oublier en route, A toute épreuve fonctionne. C'est un rouleau-compresseur dont les lignes de fuite dynamisent les coupes, une bombe d'énergie dont le final hospitalier, anthologique, fait sienne la danse des Chaussons rouges en réinventant sans cesse sa propre gestion de l'espace.
A vrai dire, A toute épreuve est tellement gonflé qu'il tire sa dernière cartouche dans un simili bullet-time. Aujourd'hui, il faut aller fouiller du côté de Max Payne (les jeux, pas le film) pour retrouver de telles sensations. A toute épreuve, c'est un patron de l'action pour bonhommes, la générosité faite mouvement. T'en ressors un peu sonné, usé comme la VHS d'époque, mais diverti comme rarement.
John Woo/John McTiernan, différentes armes, même combat : donner ses lettres de noblesse au cinoche qui défouraille.