C’est intriguant un film pareil, déjà il y a mon petit amour pour George Roy Hill, une réputation un peu culte, des rumeurs de décomposition Lynchienne et puis cette description sur le site entre la science-fiction et la comédie qui mâtinée à une étrange affiche pourrait laisser croire à quelque chose de Jorodowskien ou je ne sais trop quoi…
Et bien en fait, ce n’est pas du tout un film de science-fiction, encore moins une comédie et , Dieu merci, absolument rien de Lynchien dans tout ça, ce qui laisse un peu pantois en relisant ici ou là quelques critiques…
C’est l’histoire d’un pèlerin candide de sa propre vie qui a été traumatisé par son passé de prisonnier de guerre à Dresde.
Ses souvenirs se mélangent harmonieusement, un père débile, une mère qui ne l’est pas moins, une femme horripilante et deux enfants dégénérés, le citoyen lambda donc, qui revisite l’Amérique d’après-guerre qui a décidé de faire le blackout sur les mauvais souvenirs pour continuer à vivre le rêve américain sans trop de remords.
Le mauvais souvenir de l’Amérique, ici, c’est Dresde, une ville sans enjeu stratégique, ravissante, une petite Bruges pour porcelaine gardé par trois gosses et un excellent petit vieux Lee Marvinesque qui leur explique qu’ils pourront parler après la guerre, pas de soucis, mais en attendant, faut se tenir à carreau…
Dresde fut bombardée du 13 au 15 février 1945 par l’aviation américaine et anglaise à coups de bombes à fragmentations et incendiaires, un dernier coup pour démoraliser l’armée allemande tout en prévenant gentiment les alliés Soviétiques de quoi on est capable…
Dresde, c’est 135 000 morts (d’après le film, certains calculent jusqu’au double), des civils, essentiellement, puisque le seul fort militaire du coin sera épargné, plus qu’Hiroshima sur le coup, ça fait cher le coup de propagande… La justice des vainqueurs et les enjeux de la future guerre froide enterreront bien entendu sous les monceaux de décombres les responsabilités du massacre.
Délicatement, le film renvoie la pays à ses responsabilités, rien que ça est une réussite rarissime, surtout qu’en 1972 on ne se prive pas d’envoyer le petit clin d’œil à la guerre du Viêt Nam qui bat son plein, mais sans trop appuyer lourdement, ce n’est pas forcément la peine…
Alors je ne sais pas trop comment tout cela se goupillait dans le roman qui en gagne ma curiosité, mais ici, tout le côté fantasmatique faussement S-F ne sert à rien, le film en perd surtout de son importance et c’est presque dommage, il aurait fallu aller plus loin, dans la farce corrosive, ou l’ironie mordante, mais en l’état un peu plus de rigueur aurait été bien plus appréciable.
Pour le reste, la neutralité extrême du héros porte en elle sa force et ses faiblesses, Glen Gould se charge de la musique et quand il a Bach pour l’aider derrière son épaule, ça ne peut pas faire de mal, mais le film reste un brin mineur.
On ne retrouve pas les qualités habituelles de George Roy Hill, il faut dire que le sujet ne s’y prêtait guerre, et il ne restera des décombres, malgré deux ou trois belles scènes, qu’un petit film étrange et maladroit qui mérite probablement un peu de curiosité, mais juste un peu.