Pour moi, il y a deux méthodes efficaces pour réaliser un film d'horreur. La première, c'est d'y aller sérieusement. Ce qui veut dire qu'on met en scène des personnages crédibles, avec des réactions crédibles, face à des choses atroces (de l'ordre du fantastique ou non !), ayant une apparence de réalisme. La seconde, c'est d'assumer à fond que son œuvre est débile. Ce qui veut dire qu'on met en scène des personnages débiles, avec des réactions débiles, face à des choses atroces, mais débiles, en ayant comme objectif de provoquer le rire.
Abigail est une œuvre débile, profondément débile, mais le gros problème, c'est que les cinéastes du bousin, Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett, ne s'en sont pas rendu compte.
Bon, c'est un groupe de personnes, ne se connaissant pas, qui kidnappe la gamine d'un type blindé aux as, dont ils ne connaissent pas l'identité. Ils doivent attendre le pognon dans une grande résidence et surveiller la gamine pendant ce temps-là. Mais non, ce n'est pas le récit d'un groupe de débiles qui se font piéger dès le début. Jamais l'histoire oserait tomber dans une telle prévisibilité, voyons... ah ben, si...
Alors, la galerie de personnages est un ensemble de stéréotypes sur pattes sans le plus soupçon de subtilité ou d'évolution (et ce n'est pas difficile de prévoir le sort final de chacun, vu un emploi de codes usés de chez usés !). Mais si vous ne saisissez pas immédiatement qui est tel stéréotype ou tel autre, car vous étiez trop occupé à regarder ce qui vous reste dans votre pot de pop-corn, que vous avez acheté contre un de vos reins dans le stand à sucreries de votre complexe, ne vous inquiétez pas, ça va être redit sans arrêt. Partant du principe que vous n'avez qu'un pauvre neurone et demi, tout va être surligné étant donné que vous êtes trop stupide pour le comprendre par vous-même. Pareil quand il s'agit de mettre en avant un rebondissement ou une quelconque référence cinématographique ou littéraire (sauf une que je vais aborder en spoiler !).
Et ces stéréotypes sur pattes ont une endive à la place du cerveau. C'est le concours de qui sera le plus débile. À chaque fois qu'il y a une décision à prendre, individuellement ou collectivement, c'est infailliblement la plus conne qui gagne (comme d'aller chacun de son côté, seul, traquer une créature, qu'ils ont vu faire preuve, auparavant, d'une force surhumaine... enfin, force surhumaine, sauf quand ça arrange le scénario !). C'est une habitude dans le genre, mais là, pour reprendre les savoureux mots de Michel Audiard, débités à travers la bouche d'André Pousse, dans Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages :
La connerie à ce point-là, moi, je dis que ça devient gênant !
Tout cela ne m'aurait pas dérangé si le truc avait assumé être débile, mais non... Cela veut mettre de l'émotion, de la profondeur, notamment lorsqu'il est révélé, environ 310 fois, que le personnage principal, incarné par Melissa Barrera, a un enfant qui lui manque trop... ouin..., que c'est donc pour cela qu'elle se montre maternelle à l'égard de la kidnappée et qu'elle promet à cette dernière de la protéger contre ses complices. Oui, soyez ému par ce lien fort entre ces deux caractères
qui tiendra jusqu'à la fin, la gamine épargnant même le protagoniste féminin, car celle-ci a tenu sa promesse d'assurer sa protection. Ce n'est pas comme si, entre-temps, elles n'avaient pas tenté, à plusieurs reprises, de s'entretuer toutes les deux. Bordel, quand je vous dis que c'est débile.
Ah oui, la lumière du jour a la capacité de faire exploser les vampires, mais ça touche à peine la gamine... parce que ta gueule, c'est comme ça. Et, au détour d'une séquence, il est mis en exergue que le groupe est loin d'avoir été le premier à être piégé de la même façon que dans le film... mais, attendez, personne dans les groupes précédents n'a pensé un seul instant que la lumière du jour pouvait zigouiller l'autre petite peste ?
Et bien sûr, ça pompe énormément Une nuit en enfer, à un point que c'est la seule référence qui n'est pas avouée, comptant certainement sur l'inculture de la plupart des spectateurs par rapport à une œuvre sortie en 1996.
Le film est con (oui, il n'y a pas que le scénario qui se répète dix mille fois !), mais tout n'est pas à jeter. Il y a quelques parcelles de bonnes idées à l'instar du plaisir qu'a la jeune vampire à jouer avec ses victimes (en faisant croire faussement qu'elle est dans une position vulnérable ou en ne trucidant pas tout de suite certains de ses futurs repas par pur sadisme !), y compris en usant de ses capacités de danseuse (un peu de Tchaïkovski, c'est toujours bon pour accompagner un diner bien saignant !), ou de l'ombre d'un antagoniste (à savoir le père de notre Dracula au féminin !), que l'on devine encore plus redoutable par la crainte qu'il inspire, à distance, à ceux qui le connaissent. Et si ce point fonctionne aussi, c'est en partie parce qu'on ne le voit jamais (et rien n'est plus efficace que l'inconnu pour provoquer l'angoisse, sans parler, en outre, que c'est le spectateur qui se fait sa propre image de cette incarnation du mal !). Ce qui est justifié par le fait que c'est un paternel qui s'en bat complètement les steaks de sa progéniture.
Ah ben, non, finalement, lors des deux dernières minutes, il débarque pour je ne sais quelle raison. Ce qui retire toute l'aura de crainte autour de lui, d'autant plus que c'est l'absence abyssale de charisme de Matthew Goode qui lui prête ses traits, en plus de dégager un naturel aussi menaçant qu'un chiot chihuahua (ouais, ça ne contribue pas à en avoir quelque chose à foutre de ce personnage !). Et une fois qu'il est là, il est juste présent pour montrer qu'il inspire la crainte et qu'il n'est pas du type à étouffer sous la pitié... euh ouais, mais ça, on le savait déjà. Quitte à ce qu'il soit là, il n'aurait pas pu être employé d'une manière plus impactante et surprenante ?
Allez, reste un casting qui fait plutôt bien le taf, avec une bonne dose de charisme (sauf l'autre susmentionné !). La plupart des membres de la distribution ont dû se doucher très souvent, au cours du tournage, vu les litres de fausse hémoglobine qu'ils se sont pris.
Bref, pour conclure sans plus attendre, Abigail est le genre de bousin uniquement bon pour une soirée VOD entre potes, sans prise de tête, avec des chips et du coca, achetés au supermarché du coin.