Just Philippot avait surpris avec son premier long, La Nuée, sorti en 2021. On y découvrait un cinéma de genre à tendance sociale et réaliste. À la française en somme. Acide est le deuxième essai, celui qui doit confirmer, prolonger, donner des gages.
Michal est un syndicaliste vénère. Sa femme s’est barrée avec leur fille de 15 ans. Alors que le monde fait face à des pluies très très acides, Michal va tenter de protéger cette famille mal en point.
Quelque part entre le film fantastique, le film catastrophe, le drame social et la comédie dramatique intimiste, Philippot imprime sa marque en proposant un projet complet qui joue sur tous les tableaux. La question est donc de savoir si, dans ce bowling cinématographique, il parvient à faire tomber toutes les quilles. On reprend point par point.
Le principe du fantastique veut que le récit soit ancré dans le réel et interroge la véracité d’évènements étranges en jouant sur le doute et la foi. Le départ de notre histoire correspond assez bien et se montre efficace. En ce sens, le film pourra rappeler l’univers de Shyamalan, tendance Phénomènes. Ceux qui me suivent depuis longtemps savent qu’à mes yeux, c’est une qualité. Le danger commence à l’écran et finit par s’inscrire dans la réalité des personnages.
Les scènes de panique sont empruntées au cinéma catastrophe dont les Américains sont les grands spécialistes à grands renforts de CGI aussi ambitieuses que coûteuses. La french touch consistera ici à être crédible en dépensant moins. Ça tombe plutôt bien, s’il y a bien un truc qui coûte pas cher dans le nord de la France, c’est la pluie. Banco. C’est malin et parfaitement exploité. À la manière de Shyamalan toujours, la menace est matérialisée par de vilains cumulonimbus avançant au gré des flux de masses d’air. La survie dans ces conditions dépend donc des prévisions météo et de la qualité du refuge. Le principe du film catastrophe est de montrer à l’échelle individuelle un grand danger collectif et si les figurants sont autorisés à mourir par centaines, les personnages principaux restent les guides du spectateur dans le chaos. Le récit place donc notre famille au centre de l’attention, comme des témoins privilégiés.
Ils sont également témoins des injustices de ce monde, plus flagrantes encore quand celui-ci part en cacahuète. Le père est en lutte contre les inégalités et ramène souvent la situation à des enjeux de lutte des classes. C’est peut-être un cliché, mais le cadre flamand de l’histoire entretient cette ambiance.
Enfin, le drame intimiste occupe une place non négligeable puisqu’il place la relation entre le père et la fille au centre des enjeux. C’est d’ailleurs très pratique puisque ça permet de faire porter la conclusion du film sur le devenir des personnages plus que sur la fin d’un phénomène climatique dont on n’imagine pas la disparition. Ça rappelle que le film catastrophe est presque toujours le cadre spectaculaire d’une histoire banale et qu’in fine, ce sont bien les personnages et leur évolution qui comptent.
On le voit, le film est riche de son idée et de son projet plus que de son budget. Il est heureux dans ces conditions que l’interprétation soit au diapason des ambitions du réalisateur et de son scénariste. Canet est parfait, de même que les différents personnages de passage. Le thriller écologique fonctionne bien et on ressent réellement la trouille du futur instable et dangereux. La mise en scène n’en fait pas des caisses, privilégiant les indices aux chocs frontaux.
Au final, très belle réussite que cette bisserie du XXIème siècle. C’est réjouissant de constater qu’il n’y a pas besoin de cramer la caisse pour sortir un thriller efficace et proposer un film de genre aux enjeux renouvelés. Assurément, Philippot est à suivre.
>>> La scène qu’on retiendra ? La traversée du pont. C’est proprement glaçant.