Alceste à bicyclette. En voilà un drôle de nom. Un nom de film français étrange, c'est pourtant bien banal. Un titre qui ne veut pas dire grand chose tout en suggérant pour soi en supposer plein.
Un film avec Lucchini qui a un titre qui ne veut rien dire, ça ressemble à Dans la maison. Ca ressemble fort à un film français en fait. N'importe quel film français (à part les films d'Onteniente, parce que ses titres ont plus de sens que ses films, mais c'est un autre débat).
Un film de et avec Lucchini, qui a un titre qui se la pète, rien que de très normal. Mais le thème, me direz-vous ? Un film avec Lucchini et Lambert Wilson, qui parle de théâtre et de comment des acteurs accomplis et ayant une expertise irréfragable de la vie s'entraînent à jouer l'auteur le plus difficile de la langue française, ce n'est plus de la prétention, c'est une plaisanterie.
Alors oui, c'est une plaisanterie. Une mascarade mondaine qui se regarde le nombril. A l'image de Lucchini en fait, cet acteur talentueux qui se regarde jouer et en fait toujours trop. Sa vie sur des planches.
Qui se moque d'un Wilson qui, lui aussi, a pris le réflexe de péter plus haut que son derche. Faut redescendre les mecs. Les filles en vrai ne sont pas de belles italiennes mystérieuses. L'île de Ré, ça pue et le théâtre, c'est has been, les jeunes postent sur Tumblr, et ton refus du portable ne te rend ni authentique, ni réac, ni traditionnaliste, il te rend juste con.
Oui. Mais.
Mais Molière reste un auteur foutrement brillant. Et Lucchini et Wilson des acteurs accomplis. Et puis, au final, tu te laisses porter par leurs réflexions sur la mysanthropie et l'humanisme. Tu te laisses bercer par ce making of d'une pièce. Tu apprends à aimer ce que tu vois. Comment les acteurs s'impreignent d'un rôle. Comment ils pensent, voient et réfléchissent le monde au travers d'une oeuvre qui en dit plus sur notre présent que sur le monde de ses interprêtes. Et puis tu as plusieurs niveaux de lecture dans Alceste à bicyclette. Tu ne comprends pas tout, d'accord. Par exemple, tu ne comprends pas ce besoin systématique de rattacher à la nature fossile et à la campagne rétrograde les valeurs de la France profonde, seule France à même de porter un modèle de perfection et de qualité.
Tu ne comprends pas non plus la bicyclette d'ailleurs. Mais tu t'en fous. La toile se tisse. Tu kiffes la répétition des tirades des personnages de Molière, l'alternance des rôles, les miroirs aux alouettes, ...
tu clignes des yeux et le film est terminé. Merde, tu viens de te prendre une belle gifle en fin de compte. Sérieux mec, Lucchini, tu es un gros prétentieux, hyper vilain libéral, mais tu as de chouettes idées, et tout en ironie, tu flanques une belle fessée à une génération d'emmerdeurs. Chapeau bas. Mais maintenant arrête hein.