Bouffe moi du Molière les cheveux dans le vent
Au Cinéma. Je m'asseois frétillante sur mon siège, entourée de cinquantenaires fans de Luchini, ça tombe bien, je le suis aussi. Je n'ai rien lu au sypnosis et heureusement. Qu'aurais-je découvert le cas échéant ? Je me laisse donc ballader par la dynamique du film, l'île de Ré c'est charmant, les plages, la bicyclette toussa.
Il y a donc ce mec retraité, reclu dans sa maison pourrie (aka Luchini) et le fringuant ami de date, acteur de téléfilms bidons franchouillards "au sommet de sa carrière", style acteur qui fait pâlir les ménagères (aka Wilson, super coiffure au passage).
La situation de chacun est propice à des moments comiques, et en contraste leur duo, leur projet, à des instants d'une poésie rare. Car oui, Wilson vient voir Luchini et lui dit cash "eh mec je veux faire une pièce de théâtre, du Molière rien que ça, je veux que tu joues avec moi viens ça va être fifou"
Les deux s'attèlent donc à la tâche, le Misanthrope n'étant pas un morceau facile. Et ils se disputent le personnage principal de surcroît : Alceste, de toute évidence . Qu'importe, nos deux persos ignorent le problème, alternent les rôles, répètent. On a des scènes de théâtre brut, ces scènes qu'ils répètent en boucle, encore et encore, les alexandrins à l'honneur et ce juste ton qu'ils recherchent. Les vers, les syllabes, la pronnonciation. Avec des ballades à bicyclette et tout, les cheveux dans le vent. C'est joli.
Le spectateur a soudain cet éclair de génie : oh mais oui, quelle coincidence avec la situation du personnage que joue Luchini dans le film, tout perdu, tout barbu dans sa maison de l'île de Ré ! Luchini, c'est tout à fait le Misanthrope, c'est Alceste !
Et puis bam ! Ca devient pourri, un nouveau personnage gâche tout, dans l'intrigue du film comme dans l'effet que ça a sur le spectateur. La fin est d'une morale absolument abjecte, quoique photographiquement jolie.
Ouai, forcément, l'île de Ré. Sacré Luchini.