Alien : La Résurrection, c'est un peu l'épisode qui a le cul entre deux chaises. A ma gauche : l'auteur, Joss Whedon, papa de Buffy contre les vampires, futur réalisateur de The Avengers. A ma droite : le réalisateur, Jean-Pierre Jeunet, repéré avec Delicatessen et La Cité des enfants perdus (co-réalisés avec Marc Caro), mais pas encore sacré roi de Montmartre avec Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain. Aujourd'hui encore, il faudrait être un surhomme pour trouver un point commun dans les styles très personnels de ces deux-là. Et pourtant, grâce à Hollywood, ce mariage improbable a bien eu lieu.
Et le résultat est un hybride imparfait, malade, à l'instar de la créature mi-xéno mi humaine que l'on rencontre en fin de métrage. A qui la faute ? Tout dépend de quel côté vous vous placez même s'il paraît évident que le scénario n'est pas à la hauteur des précédents épisodes. Le film ressemble soit à une série B prise trop au sérieux, soit à un film d'auteur pris trop à la légère. Les passages censés nous faire bondir de notre siège s'apparentent bien trop souvent à des scènes d'humour macabre (voir la quasi-intégralité des scènes de Brad Dourif) tandis que d'autres segments semblent carrément sorties de nulle part. Au bout du compte, l'ensemble du métrage peine à trouver son rythme. Parmi les points intéressants, on retrouve tout de même le thème de la maternité, cher à James Cameron dans son Aliens, mais traité bien différemment ici et de façon moins subtile.
Quant aux personnages, il y a du bon et du mauvais. Dans l'ensemble, le travail de caractérisation ressemble plutôt à de la caricature (Ron Perlman fait du Ron Perlman... mais il le fait bien) et les interprétations ne sont pas toujours très convaincantes (voir la fade Winona Ryder et le monolithique Gary Dourdan). Cependant, le rôle de Ripley, ou plutôt de son clone, permet à son interprète Sigourney Weaver de le réinventer totalement, ce qui évite d'inévitables redites avec le reste de la saga. Probablement l'un des aspects les plus intéressants de ce quatrième film, même si on aurait aimé que les questionnements intérieurs de l'héroïne soit davantage développés.
Mais attention, tout n'est pas à jeter, loin de là. Jeunet nous prouve que Caro n'était pas le seul génie visuel du duo et son film, qui bénéficie d'une photographie signée Darius Khondji (Se7en), est d'une beauté envoûtante. A défaut de nous effrayer, le travail réalisé au niveau de l'image, mêlé à une direction artistique de haute volée, nous livre des tableaux souvent dérangeants. On n'est pas loin des délires organiques chers à Cronenberg (voir la chambre des clones ratés). Le cinéaste arrive aussi à susciter poésie et sensualité à travers de magnifiques plans entre Ripley et l'alien. Un alien qui malgré quelques retouches au niveau du design (le menton en galoche) reste majestueux et fascinant. Face à autant de grâce, il n'y a pas de doute : Jean-Pierre Jeunet était l'homme de la situation. Malgré son expérience de réalisateur français (avec tout ce que ça peut impliquer de préjugés, outre-Atlantique), sa mise en scène sait aussi être spectaculaire à l'image d'une course poursuite aquatique qui a marqué les esprits.
Dans l'ensemble, Alien : La Résurrection est un bon film de science-fiction mais s'impose d'emblée comme le moins bon épisode de la saga. Même si son scénario reste faible, sa beauté plastique le réévalue immédiatement. Joss Whedon, quant à lui, aura repris par la suite l'équipage du Betty pour créer Firefly / SERENITY. Rien que pour ça, les fans peuvent dire "merci".