Alien: Romulus
6.5
Alien: Romulus

Film de Fede Alvarez (2024)

La saga Alien est de retour, 7 ans après Alien Covenant. Je dois bien avouer que les errances philosophiques de Ridley Scott lors de ses deux derniers films m’ont laisséés sur le banc de touche. J’étais curieux de savoir quelle direction la saga prendrait la saga après le rachat de la Fox, l’abandon de l’intrigue des ingénieurs et le départ de Ridley Scott (un départ relatif dans la mesure où il est encore producteur). C’est Fede Alvarez qui remet une pièce dans la machine. La saga s’est construite par un enchaînement de réalisateur différents, donc voyons ce que cette nouvelle tête apporte.

Le résultat est en demi-teinte. Il y a beaucoup de bonnes idées, mais traitées rapidement, superficiellement. Le film surnage en racontant son histoire tout en faisant des références aux 4 premiers films et en proposant une sorte de conclusion à l’intrigue Prometheus/Covenant. Rien que ça. C'est peut-être un des films les plus terre-à-terre de la saga. On oublie la grandeur d'une menace venue d'ailleurs, une menace autre qu'on ne peut pas comprendre, ou encore la portée mystique si bien mise en avant dans le 3ème film. On est davantage dans un survival horror classique.

Parmi les bons points, on trouve un certain travail de la tension qui arrive à être pesante par moment, notamment avec les Facehugger, l’acide en apesanteur, la chute de la station ou encore la fin qui m’empêche de dire que le film est vraiment mauvais. C’est aussi assez plaisant de retourner dans cet univers industriel quasi post apo, suffocant et sale. Dès le début, il y a cette planète qui n’est pas sans rappeler les extérieurs d’Alien 3. On retrouve aussi les couloirs métalliques, luisants, obscurs du premier film. La direction artistique est vraiment bonne ainsi que la musique renforce la gravité des situations et l'angoisse. Le son est bien pensé par moment. Le film s’ouvre dans le silence pesant de l’espace et le cri que lâche un personnage lors de la naissance du premier alien n’est pas sans rappeler les vieux slashers des années 70, 80. On renoue aussi avec le vice et l'imagerie sexuelle bien crade. Mention spéciale au cocon dans lequel l'alien fait sa mue. L'androïde Andy est pas mal. Il a un côté produit bas de gamme pour prolo qui donne une nouvelle image des androïdes de la saga. Le groupe de personnage est plutôt attachant. On suit des jeunes adultes qui veulent fuir un destin peu reluisant au sein d’une colonie minière sur une planète peu hospitalière. L'univers est vraiment tangible. Et la fin du film m’empêche que qualifier ce film de véritablement mauvais. Il y a aussi une démysthification des créatures. Quans les Facehugger apparaissent, ils sont balayé par les personnages. Leur fonctionnement est rapidement expliqué par Andy. On peut voir ça comme un défaut, un manque de respect. Moi je trouve ça bien, c'est un gain de temps, c'est amené logiquement. On s'intéresse plus au coté brutal et violent des bêtes. On comprend rapidement que ce sont juste des saloperies agressives qu'il faut juste écraser.

Comme dit plutôt, les bonnes idées sont gâchées par la rapidité du film dû à la quantité de choses qui y sont fourrés.

L’une des idées du film est de retourner aux sources de la saga. Certes, c’est sympa de retrouver l’imagerie, le champs lexical des autres films, mais parfois les clins d’œil vont un peu trop loin et font sortir du film. Ce n’est pas intéressant de jouer aux 7 différences. Dans Romulus, le premier plan du film c’est le vaisseau dans l’espace, puis l’ordinateur qui s’allume avec un message de « Mother ». Du réchauffé. Les ordinateurs des années 1970 au 22ème siècle, ça ne marche clairement pas. Ridley Scott a eu raison de créer une incohérence avec la technologie avancée de Prometheus. On peut lui reconnaître une certaine radicalité dans l’évolution de l’univers à travers Prometheus et Covenant.

Le retour de Ash c’est du délire. Ça ne sert à rien et les effets spéciaux sont atroces. C’est gâcher le film juste pour un clin d’œil. On nous ressort aussi la classique fascination de la compagnie pour l’Alien. Ça soulève une sacrée incohérence : pourquoi la compagnie a abandonné cette station alors qu’il y a eu ces expériences capitales ? Le personnage féminin chauve, qui se scanne pour voir un chestbuster renvoie clairement à Alien 3. Tout le passage avec les flingues des marines coloniaux vient du 2. C'est est bien sympa, mais on n’a jamais vu les personnages se familiariser avec les armes comme Ripley dans le 2. Ça ne marche pas, il n'y a pas de côte cathartique, jouissif à les voir flinguer des Aliens. Non, ils ont juste des flingues à un moment, trouvés dans une armoire. Le film reprend aussi le pire aspect d’Aliens, à savoir que le Xénomorphe devient de la chair à canon, juste en l’espace d’une scène cette fois. Une scène mal filmée en plus, car on voit une succession d’aliens se prendre des balles dans la tête en gros plan. Dans Covenant, Ridley Scott avait réussi à donner un mouvement neuf et agressif à l’Alien. Bref, cette scène débouche sur la sympathique scène de l’acide en apesanteur (qui rappelle un peu Dead Space 1 ou 2). Malheureusement, c’est trop rapide. C’est littéralement un obstacle sur le chemin qui est vite enjambé. Il y a avait un truc à faire avec tout ça, quelque chose de vraiment lent, tendu, gore. On a aussi la conclusion à la saga Prometheus/Covenant avec le retour de l’huile noire. L’idée est que ça peut servir de vaccin. C’est bien en vrai. Il y a une utilité tangible et concrète à la chose, mais c’est jeté comme ça (probablement que Ridley Scott l’a forcé dedans). Deux minutes après nous avoir révélé ça, c'est gâché en montrant le rat de labo qui a muté et qu'en fait ça reste un poison qui cause des mutations. Le feu de Prometheus résumé en une minute : l’huile noire est un grand pouvoir, mais on va se cramer en l’utilisant. Pour ce qui est de la fin, on est clairement de retour dans Alien 4. On a un mix humain/alien/ingénieur. La bête tue sa mère et est évacuée dans l’espace par un trou à l’acide. Cependant, le design de la créature est vraiment génial. C’est glauque, vicieux. La créature est longue, blanche, filiforme, avec un mélange de squelette alien et humain apparent. C’est vraiment dérangeant à voir. Là, on fait évoluer Alien, là, on est dans l’incompréhension, la surprise, on est dérouté. Mais encore une fois, ça passe trop vite. À l’image de la personne qui lui donne naissance. Elle pousse une fois et le bébé est largué. L’avortement dans Prometheus était beaucoup plus long, difficile et douloureux ! Je veux plus de cette créature ! Un film entier dessus bon sang ! Il y a une petite occasion manquée avec le personnage d’Andy qui aurait gagné à être plus ambigu. On aurait pu jouer davantage sur son côté dysfonctionnel, sa prérogative à aider ou sauver des personnages. Dans le film, il est juste question de changer son comportement par la disquette ou en le redémarrant. C’est plutôt faible.

Je déplore aussi les dialogues qui sont parfois un peu trop explicatifs. Je pense que ce n’est pas la peine d’expliciter l’envie de départ des personnages, ni de faire une scène pour convaincre le personnage principal de partir. Évidemment qu’il faut se barrer de cette planète !

Enfin, il y a un aveu d’échec avec la mise en scène par la présence de jump scare. C’est inexcusable. On est dans un film Alien, pas un film d’horreur à la con pour adolescents. J’avoue cependant que le dernier jump scare marche pas mal, même s’il est super grossier.

En sortant du film, j’ai aussi eu cette impression d’être resté sur ma faim. La plupart des films Alien proposent toujours une spirale infernale, on s’enfonce toujours dans l’horreur, dans le chaos, la désolation, la perte d'espoir. Mais là, comme tout passe trop vite, le film déroule les événements sous nos yeux. Concernant l’horreur, il y a des moments tendus, certes, mais la violence, l’horreur, le gore sont un peu absents. Les attaques sont un peu trop gentillettes et classiques.

Cela vaut aussi pour ce glorieux monstre final qui me restera en tête. Côté vertige mythologique, mystique, il n’y en a aucun.

Bref, beaucoup d’idées sympas, pas très bien misent en valeur malheureusement. Ça reste un survival horror décent. C'est un petit ajout mineur à la saga. Le film aurait pu être mieux si certaines choses avaient été élaguées et d’autres approfondies. Le film se clôt sur l’habituel rapport enregistré. Quoi qu’il en soit, je serais curieux de retrouver le personnage dans les suites. Mais là, c’est peut-être mon intérêt pour Priscilla qui parle.

Cineratu
5
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le 14 août 2024

Critique lue 133 fois

6 j'aime

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