All we imagine as light semble cocher toutes les cases du film festivalier : film indépendant, condition de la femme, critique de la société, grand prix à Cannes ; à priori tout ce qui, vu mille fois, donne désormais envie de fuir.
Le film s'avèrera à l'opposé de ce qu'on imagine, pouvant en cela se révéler fort déroutant. Pour l'anecdote, une spectatrice est sortie tellement en colère de sa séance que je l'entendais encore vitupérer contre le film à vingt mètres de distance.
Car Payal Kapadia renoue avec l'extrême lenteur d'un cinéma indien d'auteur, et ce qu'elle raconte n'est finalement que le quotidien des trois femmes qu'elle suit. Ici toute tension est désamorcée. Au fur et à mesure des scènes on voit grandir l'entraide entre ces femmes, sans sombrer dans le misérabilisme malgré le regard dépouillé et naturaliste. Car cette entraide justement dessine une alliance des femmes pour rendre plus supportable leur condition.
Il y a peu sortait Santosh, ou les femmes pour exister reproduisaient à leur compte le système patriarcal. Ici au contraire elles s'en affranchissent, et créent leur propre système. All we imagine as light est le pendant parfait de Santosh, beaucoup plus fin et délicat.
Peu importe que les héroïnes finissent reléguées à l'heure de la fermeture dans une minable gargote en bord de plage, avec pour toutes les lumières que promettait le titre des guirlandes de néon. Comme ces lampes éclairent le noir insondable qui les entoure, leur solidarité éclaire leur vie jusqu'ici si sombre.
Les hommes dans le film ne sont pas des horreurs, comme on aurait pu s'y attendre. Le docteur est maladroit, mais touchant. Le garçon musulman est véritablement amoureux. L'avocat est réellement désireux d'aider, bien qu'il soit impuissant. Pour autant, All we imagine as light paraît bien plus subversif que tous ces films festivaliers clamant haut et fort leurs intentions. Les femmes prennent constamment l'initiative sur les hommes, une burqa se retrouve utilisée dans un but résolument opposé à ce qu'elle représente, et finalement l'absence des hommes n'empêchera pas les femmes de se débrouiller sans eux, entre elles.
Aux dérives de la société Payal Kapadia oppose ainsi une version communautaire, offrant dans l'individu une réponse possible.