L'image est sombre, pas éclairée, triste à pleurer. Le cadre est précis, le hors-champ affirmé. Alps est un film étrange et cohérent, maîtrisé, assumé.
Ce n'est pas une entreprise, pas une secte non plus, c'est un petit groupe, très petit groupe, sous la direction d'un homme se faisant appeler Mont-Blanc. Ils remplacent les morts dans la vie de ceux qui restent, pendant quelques temps - le temps que le deuil se fasse (ou pas). Ce sont des acteurs, de mauvais acteurs. Ils répètent leurs répliques, et les récitent mal. Mais ils remplissent leurs missions.
Le mouvement est répétitif. Les situations sont embarrassantes, surprenantes. L'idée est absurde et le traitement mécanique. On ne sait pas où on va. Puis le récit bascule un peu, puis davantage, un peu plus encore. Qui sont ces personnes ? Que cherchent-elles ? Quelle est leur vie ? Pourquoi vivre la vie d'autres qu'eux ? Et pourquoi leurs "clients" désirent-ils rejouer des épisodes déjà vécus ? À moins que ce ne soit que fantasme, désir de reprendre les scènes à zéro, de leur donner un autre ton, un autre sens, une autre fin.
On ne sait pas. On ne saura pas. Mais le film progresse en nous, nous habite curieusement, nous tend des miroirs. Sous sa simplicité de forme, son habileté à construire un univers clos avec peu de moyens, son côté "performance" hermétique, Alps fait naître de multiples questions sur la représentation, l'apparence, les rôles que nous avons à jouer.
On se souviendra du film. Parce que c'est du cinéma.