Ce fut en 2002 un film choc tiré d'une pièce de théâtre, "le Vicaire" de Rolf Hochhuth, elle-même un ouvrage choc. Le sujet, c'est l'indifférence politique et calculée des hautes instances du Vatican pendant la deuxième guerre face à la Solution finale ou à l'Holocauste. On peut dire que cette indifférence était "calculée" car le sujet du Vatican était le combat contre le communisme et l'URSS que portait l'Allemagne nazie. De plus, il ne s'agissait pas de s'aliéner les nazis pour ne pas faire prendre de risques à la communauté catholique en Allemagne. Et comme le dit un protagoniste du film, il s'agissait que le Vatican ne soit pas non plus envahi ou pillé.
Même s'il est de notoriété publique qu'un certain nombre de curés de base avaient, à leur niveau, tenté de s'opposer à la barbarie nazie. Le seul problème est qu'ils n'ont jamais été soutenus dans leur lutte.
Ce film est un film sur la guerre mais on n'y voit pas la guerre qui est pourtant omniprésente. On n'y voit que des uniformes ou des villes en ruines.
Ce film est un film sur les camps de concentration mais on n'y voit que des baraquements, des uniformes ou des boites de zyclon B. Symboliquement, c'est les va et viens des trains fermés puis ouverts qui donnent une image de cette course effrénée à l'horreur. Costa-Gavras nous en donne ainsi une vision très forte qui emporte l'adhésion au film car elle stigmatise l'organisation méticuleuse des nazis pour parvenir à leurs fins. On en voit d'ailleurs un rouage qui faisait partie de cette logistique infernale mais qui refusait obstinément de savoir ce que signifiait ces transports de troupe.
Le seul personnage réellement historique que le film met en scène est le lieutenant SS Kurt Gerstein, au départ ingénieur chimiste spécialisé dans la désinfection de l'eau par de l'acide prussique. Peu à peu, il se trouve embringué dans la SS pour fournir les produits pour le gazage des détenus déportés des camps de concentration. Chrétien protestant convaincu, il tente d'alerter le consulat de suède et le Vatican, mais en vain. C'est le rapport détaillé des activités rédigé lorsqu'il sera prisonnier des Alliés qui sera une des bases de la connaissance de l'Holocauste. Mais Kurt Gerstein est retrouvé pendu dans sa cellule et ne sera réhabilité que bien plus tard.
Les autres personnages sont fictifs et porteurs de symbole comme le père Riccardo (Mathieu Kassowitz), les cardinaux et le pape pour ce qui concerne le Vatican, le docteur, éminent personnage de la SS et chef de Kurt qui fait étrangement penser au sinistre Dr Mengele. Mais le message de Costa-Gavras n'en est que plus fort. Tous ces personnages fictifs sont là pour représenter une entité – bien réelle, elle – sous la forme d'un archétype, d'un symbole.
Les chefs des camps de concentration qui sont présents dans le film ont bien évidemment existé mais l'image qui est restituée dans le film ne montre que la face de "patrons" d'entreprise ayant des objectifs (normaux !) de rentabilité et de performance qui ne parlent à mots couverts que "d'unités".
Le cardinal adjoint du Pape restitue l'image - très probable - d'une Curie qui entoure et isole le Pape du reste du monde. Justifiant ainsi cette indifférence aux persécutions des juifs en Europe.
Même le personnage (excellement) joué par Matthieu Kassowitz. A-t-il existé ou non ? Le problème n'est pas là. L'image, le symbole qui en ressort est qu'on ne doit pas généraliser l'indifférence politique au plus haut niveau de l'Eglise Catholique. Certainement, il y a eu des prêtres qui ont su ou qui ont été confrontés à diverses situations et se sont démenés en vain. Je suis même prêt à croire que certains ont été au bout de leur sacrifice.
"Amen" est un film historique autour d'un personnage historique confronté à une Histoire représentée par des personnages symboliques (synthétiques) bien plus puissants en termes de messages évoqués.
C'est en cela que je considère que ce film est très fort et majeur.