Souvenez-vous, c’était en novembre 2016. Donald Trump, milliardaire américain conservateur, devenait le 45e président des Etats-Unis, au terme d’une campagne politique exceptionnellement enragée. Près de 63 millions de personnes l’ont soutenu et ont voté pour lui. Qui sont-ils, ces Trumpistes plus ou moins convaincus ? Une question qui a visiblement taraudé Claus Drexel (Au bord du monde), pour motiver le réalisateur français à s’envoler pour les States et planter sa caméra en Arizona, juste avant l’élection présidentielle.
Les portraits se succèdent ainsi pendant une heure et demi, sans aucun commentaire. Serveur et serveuses, authentique cow-boy, jeunes parents, vieux briscards, vétérans. Supporters ou non de ce Donald Trump qui même ici parvient à susciter de la méfiance. « C’est un milliardaire, pourquoi il aurait besoin d’un job ? C’est pas normal. »
Le savant art du montage permet de faire entrer des témoignages en résonnance, insufflant parfois une poésie à la limite du surréalisme. Et d’éviter l’éparpillement du propos en le regroupant en grands thèmes incontournables : les armes évidemment, mais aussi la peine de mort, le sentiment de déclassement, et le devenir de cet American Dream dans ce coin perdu où le temps semble s’être arrêté depuis la Grande Dépression. Pourquoi Trump ? L’objectif d’America est moins de répondre à la question que de donner à voir et surtout à comprendre. Ces électeurs pro-Trump méprisés par une grande partie des élites américaines et européennes ne sortent pas leur vote d’un chapeau magique. Les individualités finissent par se fondre en une mentalité globale, plus complexe que l’on pourrait le penser, marqué par un amour désabusé envers leur Etat et ses valeurs.
Drexel a le don pour saisir le potentiel d’un décor et d’en faire un élément du récit à part entière. Certaines scènes sont construites comme des tableaux. Chaque plan, du paysage désertique à la zone commerciale abandonnée, est superbe. Loin du bruit et de la fureur politique, America fait le pari de nous promener sur un rythme contemplatif. L’élection finale, filmée depuis le bar du coin, en deviendrait presque anecdotique.
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