America, film documentaire sorti le 14 mars 2018, est le deuxième de Claus Drexel. Le précédent traitait d’un sujet social fort : les sans domicile fixe à Paris. Cette fois-ci, Drexel décide de suivre les habitants de l’État de l’Arizona durant les élections présidentielles américaines. Plus précisément, il filme la vie de plusieurs habitants d’une petite ville de 450 habitants dans l’Arizona, traversée par la route 66 (route emblématique du rêve américain).
Le documentaire s’avère finalement assez insipide et inefficace dans sa démonstration. Cela est dû à plusieurs éléments.
Tout d’abord, la structure du documentaire. Les élections américaines servent ici de fil rouge, enfin c’est ce qu’on nous laisse croire car celui-ci commence avec un extrait de Trump annonçant la mort de l’« American Dream ».
Puis le réalisateur choisit d’enchainer les interviews des habitants, interviews très brèves d’une durée de 5 minutes maximales.
Premier point, la multiplicité des interviews, le documentaire regorge d’interviews qui finalement n’aboutissent pas à grand-chose même d’un point de vue analytique. On passe de l’interview d’un pasteur, à celle d’un ferrailleur et même à un Indien hopi (d’ailleurs on se demande à quoi sert l’interview de l’indien hopi qui s’insère extrêmement mal dans la globalité du documentaire) sans de vraie transition entre les interviews.
Deuxième point, en lien avec le précédent est la multiplicité des thèmes abordés. On passe du thème religieux, au thème du port d’armes et ensuite à celui des indiens (la liste est longue …). Finalement, on aborde des thèmes mais sans vraiment les analyser et les comprendre. La multiplicité des thèmes nuit à la qualité des sujets.
Il aurait été intéressant de comprendre la place, peut être prépondérante, de la religion dans la ville ou encore comprendre la xénophobie de certains témoignages. Malheureusement, le documentaire ne s’aventure jamais sur des thèmes polémiques et finalement décide d’être (trop) neutre dans son approche sur un sujet qui nécessite plus d’implication et plus de prise de risques. Les thèmes sont survolés sans vraiment s’attarder. On assiste juste à un documentaire qui observe et qui se trouve dépassé par des thèmes qu’il veut aborder mais finalement qu’il esquisse à peine.
Troisième point, des choix de cadres ou de plans très maladroits. Prenons l’exemple de l’interview d’une mère sur le port d’armes concernant son futur enfant.
Durant l’interview, la mère dit qu’elle fournira une arme à son enfant à l’âge de 5 ans, un pistolet.22 spécial pour enfant. La révélation est déjà assez lourde, une mère décide quand même de mettre dans les mains de son enfant un objet qui peut ôter la vie.
A ce moment-là, le réalisateur décide de faire un plan fixe et serré sur le bébé pendant plusieurs secondes pour bien souligner la future vie, sans doute compliquée de l’enfant. Pourquoi ajouter un plan lourd de sens après les propos aussi polémique d’une mère ? C’est à ce moment-là que le réalisateur aurait dû être subtil dans sa mise en scène.
Le dernier point négatif est au niveau de la structure. Déjà dit précédemment, les élections à la présidentielle servent de fil rouge et sont très vite mises de côté, on note plus de plans de nature que de plans sur la campagne présidentielle. La structure du documentaire s’essouffle à la fin, car celle-ci est redondante (interview- plan de nature délaissé de l’Arizona – interview – plan de nature délaissé de l’Arizona, …).
Malgré cet ensemble peu flatteur, je vous l’accorde, il y a des points positifs.
Dans l’ensemble, le réalisateur ne juge pas les personnes interviewées et on sent une envie de connaitre ces gens. Le film n’est jamais condescendant. On peut également admirer les paysages magnifiques de l’Arizona grâce à la très belle photographie de Sylvain Leser.
En conclusion, America laisse un goût d’insatisfaction. Le film passe à côté de son sujet, au plus grand regret de ses spectateurs. Il aurait été intéressant peut-être, de revoir la structure du documentaire au lieu de faire une série d’interviews, partir d’un fait divers ou choisir une optique de thème. La trop grande multiplicité des thèmes abordés nuit à l’observation de cette Amérique que voulait montrer Drexel pour finalement nous perdre ……dans le désert qu’il filme si bien !!!