Le(s) plus
American Bluff est un film où passent les influences de John Cassavetes pour l'étude des passions et la place centrale donnée au jeu des acteurs, de Sidney Lumet et surtout de Martin Scorsese au point d'en constituer un pastiche (pastiche pas parodie, le pastiche étant "est une imitation du style d'un auteur ou artiste, qui ne vise pas le plagiat).
Cette histoire d'un couple d'escrocs (Christian Bale/Amy Adams) à la fois partenaires et amants enrôlés par un agent du FBI (Bradley Cooper) dans une arnaque visant à impliquer dans un scandale de corruption des politiciens du New Jersey donne à David O'Russell un prétexte pour étudier les tourments sentimentaux de ses protagonistes. Le personnage de Christian Bale doit en effet gérer sa relation avec son épouse légitime (Jennifer Lawrence) relation qui va mettre en péril l'opération.
American Bluff offre à son casting cinq étoiles l'occasion de nous éblouir avec en tête Amy Adams, actrice à la palette incroyable d'une aisance folle qu'elle soit dans un film des Muppets ou chez P.T Anderson. Elle est ici fantastique dans ce rôle d'arnaqueuse cherchant de l'authenticité dans une vie qui est presque entièrement une fabrication. Sa composition à la fois à fleur de peau et maîtrisée est LA performance du film.
Camouflé derrière ses tenues vintage, sa moumoute improbable et une vingtaine de kilos en trop Christian Bale aurait pu livrer un numéro de cabotin mais choisi de jouer ce personnage tout en intériorité. Il utilise cette métamorphose physique pour aller au fond de ce personnage d'escroc finalement honnête car ne se mentant pas à lui-même. Il apporte une vraie humanité à un rôle qui aurait pu tourner à la caricature.
Bradley Cooper hérite du rôle le plus ingrat et parvient à être juste y compris dans les moments de comédie un peu hystériques (et ce malgré la coiffure la plus dingue du film).
Jennifer Lawrence, moins à l'aise que dans sa précédente collaboration avec le réalisateur (qui lui a valu un Oscar) tombe parfois dans l'outrance mais au détour d'une scène son talent naturel éclate comme lors de sa confrontation avec Amy Adams.
Jeremy Renner compose le politicien corrompu le plus sympathique de l'histoire du cinéma, l'ensemble des seconds rôles est très bon en particulier Louis CK en officier du FBI taciturne et Elizabeth Rohm dans celui de l'épouse de Renner.
Techniquement le film éblouit par sa reconstitution du début des années 80 et sa caméra virtuose qui rode d'hôtel luxueux en maison de banlieue, O'Russell utilise toute la grammaire "Scorsesienne": travelling, voix-off, flashback, bande son faite de standards de l'époque poussant même le mimétisme jusqu'à ...non ça je vous laisse le découvrir!
Le(s) moins
David O'Russell s'intéresse finalement assez peu à son sujet, il se sert de l'affaire Abscam comme prétexte à un enchaînement de scènes destinées à mettre en valeur ses comédiens. Cet abandon de l'intrigue prive le film d'une structure solide. Les enjeux ne sont pas creusés, les rouages de l'arnaque assez peu détaillés, ce qui enlève de l'intensité et de la tension à certains moments clés.
Le film est éblouissant bien qu'il manque un peu de fond. Si les œuvres de Scorsese sont des opéras, American Bluff lui est un morceau de Jazz où l'histoire sert de motif sur lequel brodent les comédiens dont les interactions et improvisations prennent le pas sur la narration.
Conclusion
American Bluff est un film tourbillonnant, souvent drôle, porté par des numéros d'acteurs brillants qui font oublier la mise en scène frénétiques avec les quelques défauts de rythme.
Laissez-vous arnaquer!
Ma note: 8/10