Après "Hana-Bi" et "l'été de KikuJiro", Takeshi Kitano réendosse une défroque de yakuzas pure et dure.
Le personnage principal, interprété par Kitano, Yamamoto, est en délicatesse avec un clan rival yakuza à Tokyo. S'il tient à sa vie, il doit fuir. Il choisit les USA, à Los Angeles, où il compte retrouver son frère. À son arrivée, il découvre que son frère fait le dealer dans un petit gang miteux. Yamamoto (ou plutôt désormais Aniki), reprend les choses en main avec les vraies méthodes et règles des yakuzas. Tant qu'il s'agit d'agrandir le territoire aux dépens d'autres gangs menés par d'autres asiatiques ou des noirs, tout va bien. Mais dès lors qu'il s'attaque à la maffia italienne, alors là, les affaires se corsent (sans jeu de mots) …
Le film est donc une incursion de Kitano aux USA et met en perspective les différences de culture que rencontre le yakuza mutique et taciturne qu'est Kitano.
C'est un film violent. Avec les trucs habituels du polar asiatique qu'il soit japonais ou hong-kongais. Les cadavres à terre qui tressautent encore sous le coup des balles … Les gens qui sont atteints d'une esthétique et brusque danse de Saint-Guy avant de tomber à terre gracieusement… L'hémoglobine qui coule bien rouge … Par contre, pas de kung-fu (ça ne me manque pas) …
On décèle quand même une notion de fidélité qui est développée dans le film et qui est une caractéristique de ces sociétés secrètes. Lorsqu'elle est en défaut, la punition consiste à (se) couper un doigt.
Mais la scène qui m'a le plus frappé c'est celle d'un gars (japonais) qui rejoint le gang et dont certains émettent des doutes justement sur la fidélité (ou sincérité) de son adhésion.
"On ne sait pas ce qu'il a dans le ventre"
Evidemment, le gars concerné se rebiffe et pique une colère !
"Quoi ! Tu veux savoir ce que j'ai dans le ventre ? Qu'on m'amène un couteau !"
Et derechef, le voilà qui se découpe le bide dans un traditionnel hara-kiri en public. Pour la beauté de l'image, ça se passe dans un restau et la scène n'empêche pas certains de continuer à se goinfrer, à peine distraits par les hurlements de celui qui est en train de montrer ce qu'il a dans le ventre … Le plus "drôle", c'est qu'à la fin on ne voit pas bien ce qu'il avait dans le ventre à part des boyaux…
Bon, on ne va quand même pas pleurer pour un yakuza de moins …
Ah oui, un truc que j'ai bien aimé et où je sens que Kitano s'est fait plaisir ; c'est le symbole de la réussite aux USA qui se traduit par la limousine, cette voiture interminable dont la conduite est toujours majestueuse. Quand le gang sous l'impulsion de Kitano, prend enfin un peu d'ampleur, il faut que ça se voit sinon ce n'est pas la peine. Et là-bas, je suppose qu'il n'y a pas un inspecteur du fisc pour poser des questions indiscrètes sur la brusque augmentation des revenus d'un homme.
Et la fin, que je ne dévoilerai pas, m'a semblé plutôt sympa. Presque une touche d'humanisme chez Kitano…
Au final, "Aniki" me semble un poil inférieur à "Sonatine" et "Hana-bi". La bande originale contient de beaux morceaux de jazz au piano et au saxo.