Animale
6.2
Animale

Film de Emma Benestan (2024)

L'histoire d'une jeune fille qui veut se faire une place dans le milieu très, pour ne pas dire exclusivement masculin de la tauromachie, ou plus exactement de la course camarguaise. On a déjà vu des sujets plus sexy et plus fédérateurs. J'ai peur que cela desserve le film et qu'hors mis quelques cinéphiles hardcore prêts à toutes les expériences, le public boude cette proposition, à moins d'un bouches à oreilles jouant en sa faveur, mais l'affluence quasi nulle en salle à peine deux jours après sa sortie et ce en dépit d'une projection au dernier festival de Cannes en clôture de la semaine de la critique, ne m'incite guère au positivisme.

Néanmoins je ne peux que vous inciter avec passion à aller voir ce film, car le thème n'est ici qu'un prétexte pour tordre les attentes et emprunter des chemins de traverses qui conduiront le film dans un cinéma de genre absolument stupéfiant.


Je vais volontairement rester flou, car je pense que l'effet de surprise prévaut à l'accueil que vous en ferez, mais disons qu'à partir du postulat de départ d'une peinture du monde des éleveurs de taureaux camarguais et de leurs traditions, nous dévions d'abord vers un thriller, un film noir, lorsque les corps de plusieurs jeunes hommes sont retrouvés. Leurs corps portant les stigmates évidents d'une rencontre inopportune avec un taureau manifestement devenu fou. A moins que ...


Quelque chose de l'ordre du surnaturel ne soit à l'œuvre et que Nejma, la jeune fille en question, ne soit davantage impliquée dans ces étranges et particulièrement violentes morts qui provoquent l'agitation dans le milieu très fermé où elles ont lieu.

Le film aborde alors le thème de la mutation, convoquant les mythes tant grecques, qu'égyptiens, mésopotamiens ou même hindouistes où la figure du taureau intervient, qu'ils soient liés à l'acte de destruction ou de fécondation.

Cette idée de mutation m'a immédiatement fait penser au film La Feline (1982) dans cette idée de malédiction divine qu'elle symbolise, cette allégorie d'une quête de vengeance qui brisera la frontière entre l'humanité et l'animalité.


Emma BENESTAN déjà remarquée pour son précédent long métrage Fragile (2021) que je n'ai pas vu, mais aussi comme scénariste du très bon Chien De La Casse (2021), signe une œuvre singulière, fascinante. Le travail sur la photographie est absolument remarquable, conférant à plonger le spectateur dans une ambiance où se conjuguent les effets de moiteurs et de chaleurs de l'environnement avec les sensations d'avoir pénétré un monde parallèle régit par des forces extraordinaire. L'image comme la mise en scène nous happent littéralement et c'est sans compter sur une musique hypnotique qui tant dans son expression tribale que dans son orchestration contemporaine participe également à nous faire voyager dans une zone de l'étrange où le fantastique n'est jamais si éloigné que ça de la réalité.


C'est un film singulier, techniquement abouti, dans lequel Oulaya AMAMRA délivre une partition mémorable secondée pour tout le reste du casting de comédiens non professionnels mais tous issus du monde des manadiers, un parti pris risqué mais qui permet ici de saluer la formidable qualité de directrice d'acteurs de la cinéaste tant les personnages et leurs incarnations sont bonnes.


Vraiment rendez-vous en salle pour découvrir ce film, il est une réussite et une pierre de plus à l'édifice d'un cinéma français qui ose, qui se risque et qui parvient chaque semaine à prouver ses immenses qualités, n'en déplaise à ceux qui n'y voient que défauts.

Spectateur-Lambda
8

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Créée

le 2 déc. 2024

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