Ca faisait longtemps que je n’étais pas allé voir un film avec autant d’appréhension. Animals, c’est un film dont j’ai commencé à entendre parler il y a un mois après la rare mais toujours attirante (du moins pour ma part) décision de lui apposer une interdiction d’âge très lourde, soit -16 avertissement. D’un film naturaliste produit par les Dardenne, je me suis retrouvé avec une œuvre proprement décriée comme traumatisante allant très loin dans la description du meurtre de son protagoniste, Ihsane Jarfi, ici renommé en Brahim. D’un simple drame intimiste sur un fait réel vieux de 10 ans, les retours semblaient annoncer un film choc, presque traumatisant sur le calvaire de Brahim provoqué par ses 4 agresseurs. C’est dire que l’appréhension était donc bien présente, car, dans le cinéma, si la violence graphique, parfois gratuite, dont je l’espère, nos amis de chez ESC vont nous gratiner encore longtemps, est menue courante, ici, on parle à la fois d’une violence étalée, évidemment frontale, mis surtout réaliste. Sauf qu’après la simple crainte, je me suis posé d’autres question, notamment sur l’utilité en elle-même du métrage, et notamment sur sa nature, comme Nadil Ben Yadir allait justifier son dispositif, quel sens allait-il lui donner et pourquoi s’est-il précisément penché sur ce cas, vieux de presque 10 ans et incluant en plus de la haine homophobe ; bref, d’apparence, comment allait-il se dépatouiller avec ce dispositif aussi casse-gueule. Précision cependant, il me parait impossible de parler d’Animals sans m’attarder sur certains points non divulgués par le trailer, tout en restant très superficiel bien entendu. De toute façon, ce qui me paraissait claire en sortant de la salle, c’est qu’Animals, c’est un film qui se vit, mais qu’il est dur, presque impossible à raconter dans son intégrité.
Bon, par où commencer… Disons qu’Animals est un film coupé en 3, pas forcément en 3 actes, mais du moins, en 3 thématiques, trois scènes, bien distinctes. La première, c’est le contexte, une manière de découvrir notre protagoniste, son milieu, et surtout ses névroses. C’est ici que sont notamment faites les premières allusions à son homosexualité et les dégâts que ça cause au sein de son cercle familial. Le film, se déroulant en 24h chrono, ne fait dès lors pas dans la dentelle, et malgré que cela soit une exposition de 30 minutes, Nadil Ben Yadir cache ce sentiment par un sous-contexte, l’anniversaire de la mère de Brahim où sont réunis plus ou moins tout le monde. Les 2 dernières scènes seraient dès lors, si on était dans un tribunal, le cheffe d’accusation, et la défense, du moins, un éclaircissement sur l’affaire. Mais revenons-en à la première scène, qui, en plus de poser les bases émotionnelles, va aussi poser les bases de la mise en scène employée durant tout le métrage. Dès le départ, on est accueillis par un cadre oppressant, en 4/3, resserré sur l’acteur et laissant déjà un arrière-gout des futures réjouissances ; accentué par le caractère très enfantin de la scène en question. Puis, le réalisateur immisce son personnage en plein dans cette scène d’anniversaire, battant son plein, et laissant transparaitre deux éléments très importants pour la suite du métrage. Tout d’abord l’utilisation abondante de plans-séquence, suivant constamment le protagoniste et donnant, évidemment une certaine authenticité à cet Animals. Beaucoup avaient, pour l’anecdote, conseillé à Nadil Ben Yadir de réaliser un documentaire, et même si je pense qu’il s’agit avant tout de son style de réalisation (+ Dardenne à la production), cela prend à bras le corps notre suspension d’incrédulité : ce que nous voyons, un instant du moins, est réel. C’est d’autant plus accentué par l’utilisation continue de shaky cam Pour ma part, ce sentiment m’a donné une vraie pression, au vu des événements futurs du métrage, et je ne sais pas si c’est fait exprès, mais cette sensation donne un gout particulier à ces scènes, semblant ne pas être sujets au temps et créer du contraste qui met franchement mal à l’aise. Ce sentiment est aussi voulu par le deuxième élément important d’Animals : son ambiance sonore. Plus que d’avoir quelque chose de cru, l’ambiance accentue l’aspect anxiogène du film, que ce soit par la prise de son ou simplement les différentes ambiances extradiégétiques, voir, et surtout intra diégétiques. Malgré tout, Animals subit aussi certains défauts inhérents à son modèle de production, le naturalisme, auquel il n’arrive pas à jouer, notamment vis-à-vis du rythme, qui s’essouffle trop vite, principalement dut au fait que les atouts mis en avant plus-haut sont délivrés trop vites, le film n’est pas assez homogène et donne trop rapidement ses meilleures cartes. Malgré tout ce qu’on peut déjà voir, c’est la qualité de la distribution, évidemment vis-à-vis de Soufiane Chilah, mais aussi par rapport aux seconds rôles, qui donnent une authenticité aux décors mais aussi, ce qui semble être le maitre mot du métrage, un rapprochement à la réalité.
Oui, désormais je mandie, le reste de la critique ici:
https://un-certain-cinema.com/2023/02/17/animals-par-mrvacherin-le-meurtre-des-agneaux/