La première fois, j'étais un peu passé à côté.
C'est tout le problème, pour la "jeune" génération, d'avoir découvert Woody Allen à travers ses films plus récents, et de parcourir sa filmo à rebours : du coup, on ressent les "redites" en sens inverse.
Ainsi, ce personnage de juif new-yorkais cérébral et névrosé, qu'il façonne encore à l'époque, et qui séduit le public par sa dimension moderne et atypique, pour ma part je le connais déjà très bien!
A l'occasion de ce deuxième visionnage, j'avais cette fois à l'esprit tous les éléments biographiques et méta-filmiques, et j'ai été complètement charmé par "Annie Hall", représentation légèrement fantasmée de la véritable liaison entre Woody Allen et Diane Keaton (séparés deux ans plus tôt).
Je ne crois pas que ces données suffisent à faire aimer un film, mais dans ce cas précis je dois dire que ça a boosté mon intérêt et mon implication. On retrouve ainsi dans "Annie Hall" quelques private jokes ou allusions (le personnage de Granny Hall par exemple, Hall étant le véritable nom de naissance de Diane Keaton) que le profane ne saisira pas.
Le film narre donc grosso modo la rencontre, la liaison puis la séparation du héros, petit bonhomme anxieux, égocentrique et velléitaire, avec une jeune provinciale au charme lunaire et décalé, dans le New York intellectuel et gauchiste des seventies.
Cette introspection amoureuse constitue un modèle de mise en abîme, constamment émaillée des bons mots et des trouvailles de mise en scène de la part de Woody Allen, qui se montre particulièrement inventif : quatrième mur brisé, sous-titres décalés, splits screens, flashbacks...
Si "Annie Hall" diffuse une certaine mélancolie, l'humour demeure omniprésent, parfois visuel (l'éternuement dans la coke), souvent subtil voire métaphysique, sous forme de dialogues brillants et décalés.
Cette histoire d'amour particulière touche à une forme d'universalité, c'est l'une des forces d'"Annie Hall", gros succès public et critique qui raflera cette année-là 4 Oscars majeurs, dont celui de meilleur film et meilleur réalisateur, matérialisant ainsi l'accession de Woody Allen au statut de véritable cinéaste, lui qu'on voyait jusque là comme un comédien humoriste.