Fable contemporaine : conte de princesse à l’ère du capitaliste
Ce film, pseudo comédie romantique dans son premier tiers, s’impose comme une satire des dynamiques de pouvoir et de l’érosion des idéaux sous l’emprise du néolibéralisme. Derrière la façade de l'impulsion de vivre, des rires et des échanges cocasses, le réalisateur nous mène à la croisée du conte et de la critique sociale, où le mariage n’est plus un rêve d’amour éternel, mais un simple contrat, un accord.
La scène centrale, magistrale, concentre cette révélation, dévoilant la fureur larvée de personnages que leurs illusions et leurs rêves, s’ils existent encore, ne peuvent plus sauver.
Anora piégé dans le rôle dicté par leur classe sociale, paraît d’abord animé d’un fol espoir, avant de se heurter au rire cruel des puissants. Ce rire paternel, incarnant les bourgeois tout-puissants, rappelle que pour eux, les prolétaires ne sont pas seulement des mains, des serviteurs, mais aussi un divertissement. Quoi qu’ils fassent, même en colère, ils ne font que susciter l’amusement des classes dominantes. Cette dérision sans conséquence renforce l’idée que, dans ce monde, l’ascension sociale et l’idéal d’un amour sincère ne sont que des chimères.
La mise en scène, bien que par moments assoupie, s’anime pour illustrer chaque propos, entre cynisme et lucidité. La manière dont est abordé le rapport au corps et au sexe, vu comme un travail (à la chaine), est frappante de réalisme : ici, même les relations humaines semblent être vidées de tout romantisme pour devenir purement transactionnelles.
Si le film paraît, dans un premier temps, se contenter de moquer les puissants à travers une énergie comique débordante, cette légèreté se mue peu à peu en charge plus noire. La violence insidieuse des élites, cherchant à effacer tout lien entre classes, fait basculer la comédie dans une sombre fable où l'idéal d'ascension se heurte à l'inflexible résistance des figures de pouvoir, telles la figure maternelle qui incarne cette muraille infranchissable.
Le casting brille, porté par une Mikey Madison saisissante. Avec une énergie brute et une intensité viscérale, elle habite son rôle de façon magistrale, débordant de vitalité au point de paraître réelle, incarnant ce feu de vivre malgré l'étau social qui I'écrase.
Le film, par sa férocité et sa précision, s'impose ainsi comme une ouvre brillante, où le burlesque et le tragique se rejoignent pour dénoncer, sans illusion, les rouages des inégalités sociales. Pour finir, Baker conclue son film par une scène cruelle où il me manque les clés de compréhension pour en comprendre sa complexité.