Le petit Ant-Man sort en salles françaises en juillet 2015, j’y suis et je kiffe.
Bien que l’univers Marvel représente une grande partie de ma jeunesse, les yeux rivés sur les comics books (à l'ancienne), et reste toujours un compagnon de route de mes lectures, je n’avais pourtant pas d’affinités particulières avec le personnage d’Ant-Man, alias Hank Pym, inventeur des particules Pym, qui lui permettent de rapetisser à la taille d’une fourmi et de communiquer avec ces insectes. Par la suite, il endossera d’autres identités et aussi d’autres tailles, passant au format gigantesque. Suite à un mauvais tournant, c’est le voleur repenti Scott Lang qui endossera le costume.
La logique voulant qu’il n’y ait pas de mauvais personnages, mais des mauvais scénaristes, j’avais tout de même bien aimé l’utilisation de Hank Pym au sein des Vengeurs de la Côte Ouest par Steve Englehart puis John Byrne ou son implication dans Avengers: The Initiative par Dan Slott.
Mais malgré sa responsabilité en tant que membre fondateur des Vengeurs, sur le papier, sa popularité n’a jamais été la même que d’autres figures. Le personnage, malgré des moments plus gigantesques, reste rattaché à cette image d’un savant qui peut rapetisser et qui parle aux fourmis, ce qui n’est pas des plus épiques.
De plus, un terrible épisode où on le voit repousser violemment sa femme, Janet van Dyne dans Avengers n°213 lui colle à la peau. Et si dans les aventures dessinées il a pu se racheter une conduite, sans que cela ne soit jamais oublié, il est plus délicat pour un producteur de film, de dessin animé ou de jeu vidéo d’inclure un personnage dont l’historique papier a cet évènement. C’est à peine si on voit le personnage d’Ant-Man dans d’autres adaptations de la licence Avengers notamment animées, et il a fallu attendre ce film pour le voir débouler dans l’univers cinématographie Marvel.
L’adapter n’était donc pas si facile. Il fallait l’imposer dans un univers Marvel qui s’est installé en présentant ses plus grosses pointures. Cette version a d’ailleurs souffert de nombreux retards et de réecritures, autant de réajustements dont le plus douloureux fut probablement la perte d’Edgar Wright en cours de route, lui qui portait le projet depuis des années et dont la patte a marqué les années 2000 avec ses succès pop Shaun of the Dead, Hot Fuzz et Scott Pilgrim. C’est Peyton Reed qui reprend la caméra, plus connu pour ses comédies, dont le sympathique Yes Man avec Jim Carrey.
Le résultat final n’est pas si décevant, et pour certains, tels que moi, cet Ant-Man a beau être une grosse production Marvel un peu formatée, le film possède en lui un certain charme, qu’il doit à plusieurs qualités. Dont son personnage principal, qui fait partie de mes chouchous dans cet univers cinématographique.
La production et les scénaristes (4 sont crédités, tout de même) font le choix de se centrer sur Scott Lang, mais sans jamais quitter des yeux Hank Pym. Ce dernier est responsable d’une invention qu’il ne veut pas voir tomber entre de mauvaises mains, peu rassuré de voir son ancienne entreprise se rapprocher dangereusement de son secret, à cause de son ancien disciple, Darren Cross, devenu le nouveau PDG. Il peut compter sur l’aide de sa fille, Hope, malgré des lourds différents entre eux, tandis qu’il intrigue pour piéger Scott Lang.
Ce dernier, qui vient juste de sortir de prison, est une célébrité pour avoir joué les Robins des bois aux dépends d’une vilaine multinationale. Il est doué et il a un coeur, qui bat pour sa fille Cassie, mais il est difficile de revenir auprès d’elle, avec sa mère et son nouveau mari qui se méfient des mauvais penchants de Scott. Il veut bien faire, se réhabiliter, mais personne ne lui offre un travail honnête. Alors il décide d’un dernier coup, organisé avec sa bande d’amis bras cassés, cambrioler la demeure d’Hank Pym, qui possède dans sa cave un mystérieux et énorme coffre fort. Son contenu est une déception : un costume. Mais il est trop tard. Après l’avoir piégé, Hank va faire de lui un nouvel Ant-Man, et déjouer les plans de Darren, malgré toutes les réticences de Hope sur cette idée folle.
La principale qualité du film ne provient pas de son synopsis qu’il serait trop facile de raccourcir dans une lutte contre un vilain méchant. Cette menace est d’ailleurs assez anecdotique, Darren Cross n’ayant aucunement l’envergure des meilleurs vilains. Il est nourri par son ressentiment contre Hank qui s’est délaissé de lui et par une envie de s’en mettre plein les poches en vendant l’invention aux militaires, tandis que plus tard on suppose que c’est l’exposition à ces travaux qui l’aurait rendu dérangé. Il coche un peu trop de cases du méchant homme d’affaires, n’en parlons plus, même si, plus loin dans le film, son costume de super-vilain assez réussi lui offre un dernier souffle d'intérêt.
Ant-Man, le film, fonctionne mieux avec son contexte, son univers qui prend le choix de s’installer, au risque parfois de s’appesantir, à l’image de l’entraînement, trop long. Scott Lang a une large galerie de personnages qui l’entoure, dont certains ont fait le choix de le soutenir, d’autres s’en méfient. Il n’a peut-être pas la carrure d’un tas de muscles comme Captain America, Thor ou Hulk, même s’il est assez athlétique. Mais, malgré sa certaine malice, il veut aider. Quitte à faire de mauvais choix. Sa décontraction n’est pas feinte, il sait qu’il n’a pas les épaules larges, et son auto-dérision n’a pas le cynisme d’Iron Man, il garde une certaine modestie.
C’est d’ailleurs ce que nous présente le début du film. Scott Lang est un gars des classes populaires, du downtown. Et même si cet aspect n’est pas très inquiétant dans un tel film Marvel, assez propre sur lui-même, il révèle un personnage qui n’est pas un scientifique renommée, un fils de Dieu, un super soldat sur de lui ou un playboy égocentrique. Scott Lang vit sa vie comme il peut, légèrement filou, le coeur sur la main. Paul Rudd semble naturel dans ce rôle, qui a ce physique rassurant mais aussi cette malice et cette maladresse, déjà exprimée dans d’autres films.
Pour l’aider, le professeur Pym est à ses côtés, même si le mentor est un peu rigide, parfois cassant. Il a confiance dans les capacités de Scott, mais sa confiance est précautionneuse. Michael Douglas est froid, mais révèle aussi quelques fêlures, dont sa relation avec sa fille et avec sa femme. L’incident de l’homologue de papier est évidemment absent, remplacé par un autre évènement dont il porte malgré tout la culpabilité. Avec Pym, c’est aussi un autre cadre, plus bourgeois, où l’intégration du plus modeste Lang aurait pu faire des étincelles, mais ce n’était pas le propos du film.
Cependant l’un des principaux points du film qui en fait sa qualité, c’est qu’il aborde différents sujets autour de la transmission, qui se retrouve sans cesse entre les personnages. Il y a bien sur la parentalité, et les responsabilités en tant que parent. Hank Pym et Scott Lang, pour des raisons différentes, n’ont pas été les meilleures pères. Cassie est encore jeune, mais se pose des questions, à l’école son père est moqué. Pour elle son père est un héros, une tâche bien difficile pour Scott et ses mauvaises décisions, mais qui nourrit aussi son ambition de bien faire. Pour Hope, si elle s’est rapprochée de son père pour contrer Darren, la rancune est tenace, elle lui en veut pour l’avoir délaissée après la mort de sa mère. Mais elle veut aussi lui prouver qu’elle est capable de tenir tête à Scott, qu’elle vaut mieux que lui. Elle cherche malgré tout une approbation que Hank ne peut pas lui offrir, à cause du sort de sa femme. Evangeline Lily offre une prestation solide, pour une femme forte et capable, aux qualités supérieures à celle d’une simple potiche ou d’une histoire d’amour.
Cette relève des responsabilités d’Ant-Man que Hank lui refuse est le deuxième aspect des transmissions entre les personnages. Être parent est une responsabilité, transmettre ses connaissances en une autre. Darren en a été blessé que Pym se soit éloigné de lui, tout comme sa fille aurait aimé être plus proche de son père. Le choix de Scott n’a rien d’évident, et on peut encore s’étonner de cette décision. Mais Pym lui offre un costume et un nom, c’est un passage de relais. Là encore, c’était assez nouveau dans l’univers cinématographique Marvel, où tous les héros sont alors les premiers, comme une première vague. Ici il y a une histoire et une responsabilité, dévoilées en quelques scènes, qui relie l’Ant-Man du passé à l’univers précédent (se résumant au SHIELD) tandis que le nouvel Ant-Man est à la fois dans la continuité de cette histoire mais aussi dans le nouveau contexte Marvel, entre Avengers : l’Ere d’Ultron et Captain America : Civil War.
En dehors des cases habituelles d'un Marvel avec son grand méchant ou de l’apparition d’un Avengers (secondaire), assez peu détaillées, le film arrive donc à se faire une place, notamment parce que les personnages offrent une densité appréciable. Mais, et il ne faudrait pas l’oublier, Ant-Man est avant tout un divertissement, produit par Marvel à grands coups de dollars. Si le film peut présenter ses personnages, il faut passer à l’action, au grand spectacle.
Pour ce faire, il faut reconnaître à l’équipe technique d’avoir su créer un costume très réussi, une combinaison proche de celle de motards pour Scott, en simili cuir aux teintes rouges et grises foncées. Le casque avec ses lentilles rouges n’a rien de ridicule. Ant-Man en tenue en impose. Les concept-arts de l'art-book officiel permettent de mettre en avant les artistes impliqués.
Et quand le film le met en scène, dans des scènes où le personnage rapetisse à la taille d’une olive ou d’un grain de poussière, le spectacle impressionne. Le film joue agréablement bien des effets d’échelle, arrivant à rendre spectaculaire une baignoire qui se remplit, l’eau étant alors un tsunami pour le pauvre homme fourmi. La fin, dans une chambre d’enfants, est un pur régal, quand les deux antagonistes s’affrontent dans un terrain de jeux, aux dimensions nouvelles. Le cinéma s’est déjà amusé avec le changement d’échelle, avec le réussi L’Homme qui rétrécit, Chérie, j’ai rétréci les gosses ou L’Aventure intérieure. Ant-Man vient s’ajouter à la liste.
Même l’emploi des fourmis ne semble pas incongru, la communication avec elles étant un des fils rouges du film. Les insectes sont nos amis, et les fourmis sont formidables, ce que démontre Ant-Man. Réalisées numériquement, et cela se voit parfois, il faut pourtant admirer Scott en chevaucher une comme un cavalier lancé au galop, ou saluer la multitude représentée comme une armée qui part à l’attaque. L’infiniment petit est mise en scène avec une certaine fougue, ne cherchant jamais à ridiculiser le personnage et ses petites alliées.
Ant-Man est donc l’outsider, le petit personnage à la marge d’un univers Marvel grandiloquent, et qui en démontre à certains. Avec son large panel de caractères, et la bienveillance et la sympathie qui se dégagent de lui, mais aussi sa malice, le nouvel héros est une belle petite réussite, pour un film parfois spectaculaire, mais qui n’oublie jamais ses personnages, drôle et même parfois tendre. Cette arrivée dans l’univers Marvel se fait si bien qu’il a eu droit à une suite, contrairement au pauvre Hulk, le poids lourd perd face au poids plume, et bien sûr d’autres apparitions dans les films de Marvel.
Avec ce nouveau visionnage du film, il reste encore pour moi mon petit chouchou de cet univers.