Histoire(s) des hommes fourmis
Ant-man (de son vrai nom Hank Pym) est dans les comics membre fondateur des Avengers, est un savant ayant découvert des particules (qui portent son nom) lui permettant de réduire sa taille tout en conservant sa force , il est aussi le père d’une technologie lui permettant de communiquer avec les insectes (les savants Marvel sont très polyvalents). Au cours de sa carrière il endossera diverses identités de Giant-man à Yellowjacket, cette instabilité montrant l’embarras des scénaristes sur la direction à donner au personnage. En 1979, Marvel introduit un second Ant-man : Scott Lang un repris de justice qui va voler l’équipement de Pym pour sauver sa fille.
Ce sont ces deux incarnations du personnages qu’ Edgard Wright incorpore dans le script qu’il développe depuis de longues années (avant même la formation de Marvel Studios!) quand les droits du personnage étaient détenus par la société Artisan (branche vidéo de Carolco désormais absorbée dans la mini-major productrice des « Hunger Games » Lionsgate). Il inclus même un personnage issu d’une troisième itération du personnage dans les comics l’Irredeemable Ant-Man (écrit par Robert Kirkman créateur de the Walking Dead) un agent du Shield destiné à devenir Ant-man avant que le costume ne soit volé. A la surprise générale Wright quitte le projet en 2014 à quelques mois des prises de vue pour cause de « différents artistiques » avec le studio. Le script est remanié en urgence par son interprète principal Paul Rudd et Adam McKay scénariste-réalisateur collaborateur régulier de Will Ferrell qui déclinera le poste de metteur en scène finalement attribué à Peyton Reed (Yes-Man).
Ant-man reprend la formule gagnante du studio qui a toujours mélangé le genre super-héroïque avec d’autres très codifiés donc familiers du public (le thriller pour Captain America the Winter Soldier, le space-opera pour Les Gardiens de la Galaxie). Ici c’est le film de casse (heist movie) qui sert de modèle dés l’origine à la comédie d’action envisagée par le réalisateur de Shaun of the dead. On y retrouve la figure du cambrioleur repenti contraint de tenter un dernier coup ici pour pouvoir retrouver un droit de garde sur sa fille, la préparation au coté de ses complices qui se mêle ici à l’entrainement du super-héros par son prédécesseur avec comme nemesis l’ancien protégé de ce dernier passé du coté obscur.
Après ceux d’ Avengers l’Ere d’Ultron les enjeux d’ Ant-man sont plus modestes et les lieux de l’action plus réduits (essentiellement la maison de Pym et le labo de Darren Cross) mais ce retour à plus d’intimité avant de replonger dans l’épique avec Captain America Civil War est le bienvenu. Le jeu des changements d’échelle assure tout de même des scènes d’action inventives et spectaculaires comme la séquence de découvertes de ses pouvoirs par le héros – grand classique du film de rétrécissements ou l’environnement familier devient soudain mortel -et le combat final (dans une chambre d’enfants) ou les deux adversaires utilisent toute l’étendue des pouvoirs des « particules Pym » jusqu’à ouvrir le film vers des dimensions inattendues (un concept amené par Reed et McKay).
Ant-man est une comédie d’action mais l’humour omniprésent ne verse jamais dans la parodie et assume pleinement sa nature de « Marvel movie ». C’est même un des films du studio qui exploite le mieux l’univers partagé tout en étant parfaitement autonome.
On sent chez tous les créateurs impliqués de Wright jusqu’à Reed et McKay une vraie familiarité avec l’univers et le style des comics Marvel qui se ressent à toutes les étapes du film en particulier dans des easter-eggs à destination des fans old-school : le vilain évoque des « Tales to Astonish » (histoires stupéfiantes) qui est le nom du titre ou est apparu Hank Pym dans les comics, Scott loge dans un hôtel nommé Milgrom’s , hommage à Al Milgrom qui a longtemps dessiné les Avengers. Si vous prêtez une oreille attentive on évoque « un individu capable de grimper aux murs » première allusion officielle à l’entrée de Spider-Man dans le MCU.
Ant-man lève le voile sur une partie de la chronologie du Marvel Cinematic Universe située entre les aventures de l’agent Carter et le premier Iron Man faisant d’Ant-Man le principal super-héros de cette période et un membre fondateur du SHIELD au coté d’ Howard Stark (John « Mad Men » Slattery reprenant son rôle d’IronMan 2) la ou dans le comics il est contemporain de son fils Tony. Le script va satisfaire les grincheux justifiant pourquoi nos héros ne font pas appel aux Avengers pour résoudre leurs problèmes.
Des fourmis et des hommes
Peyton Reed donne au film un tempo de comédie américaine des sixties (période qu’il affectionne comme en atteste sa romcom Bye Bye Love ou son projet avorté d’adaptation de Fantastic Four pour la Fox qu’il voulait situer à cette époque) rythmé par la BO très jazzy de Christopher Beck. Les séquences dialoguées dans des décors très travaillés presque théâtraux renforcent cet aspect comédie de l’age d’or des studios.
Cette approche basée sur des répliques rapides nécessite a besoin pour fonctionner d’acteurs ayant un bon timing et qui s’accordent bien. Par chance le cast d’Ant- Man (mis en place par Edgard Wright avant son départ) est excellent. Le charisme de Paul Rudd rappelle en moins arrogant celui de Robert Downey Jr. son charme cool rend son personnage drôle et éminemment sympathique sans lui faire perdre l’aspect héroïque indispensable. Michael Douglas apporte son aura et son histoire au personnage de Pym dont on accepte immédiatement le passé de héros. Le souvenir de ses rôles plus sombres permet de laisser entrevoir un aspect plus obscur de la personnalité de Pym, reclus aigri d’ avoir perdu son entreprise hanté par des événements dramatiques de son passé, sans forcer le trait. Ses relations de mentor d’une part avec Paul Rudd et celle plus conflictuelle avec sa fille Hope incarnée par Evangeline Lilly moteurs du film sont réussies. Cette dernière est convaincante en partenaire réticente de Scott et c’est une bonne nouvelle puisqu’on est appelé à la retrouver .
Corey Stoll (les séries House of Cards et the Strain) incarne un Darren Cross (ennemi de Scott Lang lors de sa première apparition dans Marvel Premiere 47) ancien élève de Pym dont il constitue le pendant maléfique prêt à exploiter son invention a des fins militaires quitte à la vendre au plus offrant dont une organisation maléfique bien connue des fans. Cross est certes un vilain assez générique mais il s’intègre bien à l’atmosphère comics du film d’autant que Stoll se régale dans le rôle et semble avoir été dessiné par John Buscema.
Le groupe de bras cassés qui entourent Scott Lang complète la distribution et apporte un coté burlesque en particulier un Michael Pena hilarant qui vole la vedette dans toutes ses scènes en sidekick du héros.
Petit bémol les relations entre Scott, son ex-femme (Judy Greer) et son nouveau mari (Bobby Carnavale) auraient gagnées à être plus dramatiques pour donner plus de poids aux enjeux pour Scott Lang. Le nouveau compagnon est somme toute un bon gars loin de l’odieux personnage des comics dont il s’inspire.
Techniquement c’est du solide conservant le « house of style » Marvel Studios la photographie de Russell Carpenter ex-star de la profession qui éclaira True Lies et Titanic convient parfaitement à l’univers et gère bien les effets visuels d’ ILM et Double Negative. Bien sur les effets de macrophotographie sont réussis mais c’est le « lifting digital » de Michael Douglas au début du film qui m’a surpris , de loin le plus convaincant vu à l’écran.
Enfin la bande-originale de Christopher Beck (La reine des neiges, Edge of Tomorrow) une des plus réussies des films Marvel mélange tempo jazzy, airs cubains mais sait aussi ménager des thèmes très héroïques.
Conclusion : Sa modestie, le timing comique et le charme de ses interprètes font la réussite d’ Ant-Man le plus jazzy des films Marvel mélange de comédie, de film de casse et de super-héros.Une parfaite détente entre deux mégafilms. Fourmidable !