Genre : idées frileuses
Après la locomotive Age of Ultron, Marvel Studios conclut sa seconde phase du MCU (Marvel Cinématique Universe) par Ant-Man.
Celui-ci mérite qu’on s’y attarde à la fois par les nombreux déboires du processus de création du film (départ du premier réalisateur, Edgar Wright, nombreuses réécritures du scénario, tournage et post production effectués à la vite pour rentrer dans les délais). Mais le choix de son héros principal peut laisser perplexe tellement celui-ci est un personnage secondaire de l’univers de la Maison des Idées. On pouvait en même temps espérer un projet plus libre où les enjeux financiers étaient moindres vu le peu de popularité de cet homme-fourmi. Qu’en est il au fond?
Plusieurs personnages ont porté le costume d’ Ant Man. Tout d’abord, Hank Pym fut le créateur de la combinaison. A la fois génie en robotique et en biologie, il prendra différentes identités au sein des Avengers (surtout pour des raisons scénaristiques) en étant aussi Giant Man, Yellow Jacket, Goliath. Ce savant sera doté d’une orientation psychologique au sein des comics qui le conduira à la schizophrénie mais aussi à maltraiter physiquement sa femme Janet.
Le second Ant Man sera Scott Lang, un braqueur de haut vol qui intégrera les Vengeurs par la suite que le film prend comme tête d’affiche. Puis sous la houlette de Robert Kirkman, un troisième homme, Eric O’Grady, reprendra les attributs du super héros à des fins bien plus personnelles.
Le scénario de ce dernier opus mélange à la fois Hank Pym (Michael Douglas) et Scott Lang (Paul Rudd) où le premier tient le rôle de mentor du second.
Sorti dans la précipitation et remplacement au pied levé de Wright par Peyton Reed, Ant-Man conjugue à la fois des éléments atypiques par rapport aux précédents volet de la saga cinématographique et les défauts de Marvel Studios.
Avec un film aussi mineur que ce soit par son personnage traité et l’univers qui en découle, on assiste clairement à un film à taille plus humaine que la destruction massive d’Avengers. Ceci est d’ailleurs totalement incarné par un Paul Rudd, un monsieur tout le monde, expert en cambriolage qui veut rester auprès de sa fille. On aborde l’univers du petit Avenger par la porte de l’intime dont la première heure est plus proche de la saga familiale avec les problématiques de famille recomposée, de père au grand coeur mais sortant de prison.
Le Dr Hank Pym représente le côté plus « épique » de l’univers traversé par un flash back racontant la disparition de sa femme à l’époque où il officiait en tant qu’Ant-Man. Michael Douglas construit un personnage à la fois vecteur d’une certaine mythologie oubliée rattachant les wagons en créant un passé au MCU (un âge d’or pourrait on dire !). Il est fort à parier que le travail original de Wright mettait encore plus avant le personnage de Pym tellement il est le coeur de la narration du film. Scott Lang semble plus être l’oeil du spectateur entrant dans ce monde.
Et c’est là que réside l’un des problèmes du film, il n’arrive à jamais à donner des enjeux à ce qu’il raconte. Il se contente d’aligner les séquences de conflit familiales (celle de Lang mais aussi de Pym à travers sa fille) sans y trouver le moindre rythme qui réveillerait le spectateur. On est plus proche d’un pilote de série TV en témoigne la séquence pré-générique qu’on croirait sorti d’Agents of Shield.
De plus, le choix d’inscrire le long métrage dans une veine comique n’est pas sans rappeler les Avengers ou les Gardiens de la Galaxie et apporterait une fraicheur bienvenue. Cependant, par faute d’une mise en scène rythmée, cet aspect tombe souvent à plat et rend presque le film anachronique. Ant Man semble avoir dix ans de retard par moment avec son Scott Lang et ses compères crétins entassés dans un appartement d’éternel adolescent.
De la même façon, les pouvoirs d’Ant Man sont par moment plutôt bien exploités. Citons la séquence de combat final, véritable jeu ironique sur les destructions massives de villes habituelles inhérents au genre depuis quelques années. Dans ce contexte, le décalage est réussi où tout se joue dans une mallette avec un Iphone qui claironne Disintegration de The Cure reprenant à son compte la BO nostalgique de l’oeuvre de James Gunn. Mais d’autres moments d’action manquent de dynamisme et sont plus proche de cinématique de la première Playstation comme une baignoire aux contours plus qu’improbables.
On notera aussi une nemesis négative complètement hors de propos. Le bad guy de l’histoire est totalement sans personnalité, en manque de père pathologique où Corey Stoll doit composer une caricature de méchant. A l’image du manque d’enjeux, le méchant pâtit du même traitement. Ceci montre encore la difficulté de Marvel Studios à porter leur figure du mal à l’écran. Rappelons nous de la transparence réservée à Ultron !
Se voulant un vent d’air frais comme les Gardiens de la Galaxie, Ant Man se retrouve piégé par son manque d’ambition en terme de mise en scène et par l’aspect bordélique de son écriture. Les multiples script doctors qui sont passés sur la monture d’Edgar Wright et Joe Cornish tentent de garder certaines idées du duo tout en faisant entrer le script dans le moule des films du MCU. Au fond, ce dernier opus se déroule sur des rails et lance des idées sans les accomplir ni les retranscrire à l’écran. C’est à la fois la preuve que ce « petit » film isolé dans le grand projet de la saga de Marvel Studios aurait pu être la bonne surprise des blockbusters de l’été si le schéma établi depuis des années s’était émoussé. Ant Man est la démonstration de l’impossibilité des décideurs Marvel de laisser les clefs à des réalisateurs avec une vraie patte préférant le « yes man « service.
Il plane sur l’ensemble du film le fantôme d’Edgar Wright dont on n’aurait voulu recoller les morceaux dans tous les sens pour donner un produit assez sympathique au mieux et au pire un gâchis.