Apocalypse Now par Kroakkroqgar
Le plus terrible vice que peut engendrer la guerre, c’est l’aliénation des hommes. Et ça, Francis Coppola l’a très bien compris puisqu’en faisant de la folie le fil directeur de son film, il livre avec ‘Apocalypse Now’ un chef d’œuvre absolu.
Le scénario repose sur une montée d’adrénaline de 3 heures, 3 heures durant lesquelles le spectateur attend l’implosion évoquée en introduction. Pour cela, le réalisateur a su ménager une fascination perverse et implacable pour le personnage de Kurtz. Comme le capitaine Willard, chaque mention du colonel fou agite notre curiosité, et comme Willard, leur rencontre n’apaisera pas notre faim, et on reste hanté par le personnage à la fin du film. En ce sens, les prestations de Martin Sheen et Marlon Brando sont tout simplement inouïs.
Mais le génie du récit tient dans les péripéties qui ponctuent la quête du capitaine. Alors qu’on s’attend à découvrir un monstre terrible au terme du voyage, chaque nouvel évènement fait subtilement étalage de l’horreur de la guerre. Le colonel Kurtz est-il plus fou que le Lieutenant Kilgore ? Le colonel Kurtz est-il plus fou que le chef Philips ? Chaque nouveau dessin des ravages de la guerre et de ses injustices rend la morale vaine dans ce contexte, et c’est ainsi que ‘Apocalypse Now’ dérange.
La réussite totale de Francis Coppola ne s’arrête pas là. La réalisation de ‘Apocalypse Now’ est tellement parfaite qu’elle ne peut qu’être le fruit d’une alchimie hasardeuse et providentielle. En quelques minutes, le film nous happe dans cet enfer moite, baignant dans ses volutes de fumées fantasmagoriques et ses jeux de lumières acides, tandis que la bande-originale oppressante et corrosive accompagne le trip comme une drogue dure. La puissance de l’atmosphère ainsi crée est évidente et s’impose comme une expérience inoubliable.
‘Apocalypse Now’ n’est pas un film de guerre. C’est la guerre.