Un concert de louanges accompagne la sortie du dernier film de James Gray, Armageddon Time, mérité ?
Le film aborde de nombreux thèmes, pêle-mêle : la xénophobie, l’illusion de la méritocratie, la transmission familiale des valeurs mais aussi des stigmates, la difficulté de trouver sa place à l’aube de l’adolescence, les inégalités socio-ethniques. La mise en scène est réussie mais d’un grand classicisme, la photographie aux couleurs jaunâtres attirante puis vite étouffante.
Pourtant, il y a quelque chose qui cloche, on reste toujours en dehors de l’histoire. Du point de vue de la mise en scène, je crois que le défaut du film est de toujours cantonner les scènes à être des éléments de discussion pour les scènes suivantes, il n’y a jamais rien de gratuit, d’opaque ; tout est trop limpide, sur-expliqué et prévisible. Et pour un film sur l’enfance, c’est justement ce qui ne va pas : s’il y a bien un âge où l’on subit un monde qui nous échappe encore, où l’on se pose des questions qui restent sans réponse, où des fragments de vie prennent une importance démesurée sans raison apparente, c’est bien celui de Paul. On ne tire pas des conclusions limpides de ce qui nous arrive avec un gentil Papi qui a toujours le bon mot, du moins pas consciemment.
Je ferais à ce film le même reproche qu’au roman de Philip Roth, Le complot contre l’Amérique : faire d’un enfant le personnage central de l’œuvre, en lui attribuant les réactions, les pensées et le recul d’un adulte ; l’un par le montage, l’autre par le récit.
La scène du parc/de la fusée est, je crois, assez représentative du ton du film : on y substitue à la grâce qu’on n’arrive jamais à atteindre une sur-explication et sur-dramatisation des enjeux. Le plan sur Anthony Hopkins qui salue son petit-fils de loin le regard chargé d’émotion est l’un des plus réussis du film, mais quelle atroce idée que le plan sur la mère, jouée par Anne Hathaway, en pleurs dans la voiture.
N’oublions pas de parler du dernier plan qui parvient presque à piquer à Close la Palme du dernier plan le plus ridiculement symbolique. Et puis tout le monde sait bien que quand quelqu’un faisait une bêtise en classe personne ne se dénonçait, curieux mensonge inaugural.