Alors que je m’emmerdais ferme, je me suis soudain rappelé que j’avais affaire à un film « personnel », autobiographique qui plus est. J’ai pourtant strictement rien vu de singulier là-dedans. Comme si le film autobiographique, dont on s’est tapé pas mal ces dernières années, était devenu un genre à part entière, avec son cahier des charges et ses passages obligés, que James Gray applique de la manière la plus académique possible. On a droit à la naissance de la vocation d’artiste, à la blessure originelle à coup d’injustice sociale, sur fond d’étouffement familial, et Gray nous emballe tout ça dans une esthétique aussi lisse que poussiéreuse, à coup de gros plans et de zooms avant très signifiants sur son personnage principal (la découverte du tableau de Kandinsky, où quand le gamin noir accusé à tort par le prof, entre autres). Cette forme convenue est en fait largement suffisante pour quelqu’un qui ne cherche en rien à capter une quelconque aspérité, ni même rien d’inédit ou d’insignifiant, mais cherche à asséner une fable, une fable qu’il s’est sans doute racontée à lui-même avant de nous la raconter. Celle du drame fondateur de l’artiste, la révélation de sa vocation en même temps que cette amitié impossible à cause que le monde il est raciste et méchant (la seconde au service de la première d’ailleurs, ce qui en dit long sur le contenu politique sur lequel par charité je ne m’attarderai pas, surtout la fin). Tout est tellement au service de la fable que rien ne paraît vrai (même l’enfant joue mal, c’est dire l’exploit) : le contexte politique à la télé, cette représentation ridicule d’une école privée, les conseils du sage grand-père … on se pince souvent devant autant de naïveté et de schématisme à tous les étages.
On appréciera toutefois ce film comme une sorte d’aveu artistique. Que James Gray ait à passer par cette mythologie convenue et gnangnan pour raconter la naissance de sa vocation d’artiste, ça jette une nouvelle lumière sur sa filmographie, moyenne mais tant célébrée, qui a été donc logiquement principalement du réchauffé de formes datées et enrobées de sentimentalisme balourd, ce qui le place dix étages en dessous d’un Paul Thomas Anderson, pour ceux qui en doutaient encore.