On a comparé, à juste titre, Armageddon time de James Gray avec Les 400 coups de Truffaut. Il suffit de savoir l'influence du cinéma français sur l'œuvre de James Gray pour confirmer cette piste : on y retrouve des scènes phares comme la fugue, la violence paternelle, le vol d'ordinateur (machine à écrire de Truffaut). Mais Armageddon time est plus ouvertement politique que l'autobiographie de Truffaut.

Paul Graff, le double insupportable de James Gray, défend une cause, celle des Noirs, notamment grâce à son ami, Johnny, victime d'injustices et de racisme. Son grand-père, après lui avoir répété qu'il ne doit pas oublier d'où il vient, une famille ukrainienne émigrée, lui dit qu'il faut répondre aux racistes de son école, s'interposer, les contredire. Donc, en plus de sa fougue et de son insolence, Paul a une cause, qui dépasse celle de la liberté individuelle : la liberté universelle.

Bien qu'autobiographique, le film reste universel (une histoire de famille, d'amitié, d'école). La narration et la mise en scène, assez classique mais toujours investies du regard singulier de Gray, racontent une histoire dans laquelle il suffit de plonger. On est embarqué facilement dans cette famille, puis dans cet Amérique. Et des souvenirs de films reviennent à nous : de La fureur de vivre (Rebel without a cause, de N. Ray), à Harry Potter (la partie école privée), en passant par l'œuvre de Spike Lee, c'est toute une cinématographie des teen movie qui défile en vérité sur l'écran. La cinéphilie de Gray, qu'il sème remarquablement pour donner l'impression d'une fluidité. Tout est fluide, jusqu'à la fin, la dernière rébellion de Paul. Alors que Truffaut faisait courir son alter ego le long de la mer, et lui faisait regarder la caméra, Gray fait marcher le sien dans la rue, de dos. Rébellion abstraite, façon Kandinsky, la découverte de Paul se rêvant artiste. Alors que tous les jeunes de ces teen movie semblaient perdus, Paul lui, sait où il va, et c'est bien le seul. Supposons que dans ce dernier tableau, il aille vers le Monde de l'Art.

Alfred_Babouche
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le 28 mai 2023

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